Comme je fais pas mal de ménage dans ma biblio­thèque, je me retrouve à hésiter devant des albums que j’ai beaucoup aimés à une époque et je me demande si ça se relit toujours aussi bien. Prenons par exemple ces albums Schtroumpfs signés Peyo et Delporte

Schtroumpf vert et vert schtroumpf

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J’ai commen­cé par l’histoire qui me semblait encore d’actualité, un conflit linguis­tique grati­né qui part en vrille et flirte avec les notions de racisme et de rejet.

Encore une fois le Grand Schtroumpf est aux abonnés absents et ça dérape chez les Schtroumpfs. On découvre en effet qu’au nord du village, on dit « tire-bousch­troumpf » alors qu’au sud on préfère « schtroumpf-bouchon »(ou le contraire). Ce distin­guo lexical s’envenime lors d’une repré­sen­ta­tion du « Petit Chape­ron Schtroumpf » (à moins que ce soit le Petit Schtroump­fe­ron Rouge ?) et tourne à la parti­tion entre Nord et Sud avec tracé d’une frontière. Heureu­se­ment, rien de tel qu’un bon ennemi commun (Garga­mel) pour unir les forces divisées.

Si la théma­tique n’a pas pris une ride (les conflits autour d’une pièce de théâtre sont terri­ble­ment contem­po­rains), j’ai toute­fois été un peu déçu par l’ensemble, les gags n’étant pas à la hauteur des enjeux. Cette impres­sion de bof s’est accen­tuée avec la suite de gags très pauvres qui concluent l’album (au niveau des albums Bamboo dont je ne dirai plus du mal) et où on devine les contraintes du travail du studio Peyo avec des mimiques schtroump­fiennes répéti­tives et peu inspirées.

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Ce retour en arrière était décevant et je me voyais mal écrire un billet en me basant sur ce senti­ment. Mon esprit journa­lis­tique m’a alors incité à élargir l’expérience à d’autres albums de la série qui m’avaient marqué.

Le Cosmoschtroumpf

J’imagine qu’il existe une litté­ra­ture sérieuse sur les Schtroumpfs mais je ne l’ai pas lue. À vue de nez, le village Schtroumpf peut être perçu comme un village de vacances ou une cour de récréa­tion d’une école de garçons (la BD de l’époque étant en ce qui concerne Spirou lue très majori­tai­re­ment par des garçons). On s’y amuse beaucoup sous la férule d’un direc­teur compré­hen­sif (le Grand Schtroumpf) et on tente d’éviter le pion morali­sa­teur (le Schtroumpf à lunettes). Il vaut mieux ne pas consi­dé­rer ce village comme un modèle de socié­té.
Dans cet univers immuable, un Schtroumpf se met à rêver de planètes lointaines. Au point de se lancer dans la construc­tion d’une fusée à moteur à pédalier. Qui ne décolle pas. Les Schtroumpfs décident d’aider leur copain à réali­ser son rêve.

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–– Atten­tion, divul­gâ­chage ––

Je ne suis pas un spécia­liste de Peyo mais j’ai l’impression que ses person­nages souffrent réguliè­re­ment de mélan­co­lie. Benoît Brise­fer est un person­nage très triste et il me semble que dans la Ribam­belle il y a des person­nages un peu dépri­més par période (la Ribam­belle est évidem­ment signée Roba). Le Schtroumpf astro­naute a des raisons d’être dépres­sif : il a une idée fixe irréa­li­sable. Comme il ne peut pas se jeter dans la rivière, il faut bien trouver une solution. Le village Schtroumpf l’endort et le trans­porte lui et sa fusée dans un cratère de volcan éteint pour lui faire croire à un long voyage. Et les petits Schtroumpfs se trans­forment en Schlips, une version exotique d’eux-mêmes. Peyo et Delporte jouent malicieu­se­ment sur le thème des aventures coloniales (et les dérivées SF) et trans­forment un désir d’aventure indivi­duelle en une épopée collec­tive. Ce qui rend l’ensemble très drôle c’est que c’est un gros boulot que de faire plaisir au Cosmo­sch­troumpf et les Schtroumpfs râlent tant qu’ils peuvent surtout lorsque leur copain décide de rester vivre chez les Schlips. Il faut le comprendre le petit Schtroumpf : chez lui, il est un anonyme bleu comme les autres alors qu’il est LE Schtroumpf parmi les Schlips. Il est quelqu’un que l’on peut nommer.
Finale­ment, retour à la case départ et, lorsqu’un autre Schtroumpf rêve de faire mieux que le Cosmo­sch­troumpf, il se fait verte­ment répri­man­der par ses amis. Il ne faut pas chercher à être diffé­rent au village des Schtroumpfs.

Le Schtroumpfeur de pluie

La seconde histoire de cet album est tout aussi excel­lente. Le Schtroumpf brico­leur invente une machine (très poétique) à changer le temps. Mais suite à un diffé­rent entre le Schtroumpf poète et le paysan, la machine devient folle. Encore une fois, il est démon­tré que la haute techno­lo­gie n’est pas le fort des Schtroumpfs.

Le Schtroumpfissime

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Voilà le Grand Schtroumpf repar­ti en vadrouille (c’est le seul qui peut voyager, faut croire) et le pouvoir est vacant. La nature ayant horreur du vide, les Schtroumpfs décident d’organiser des élections pour élire un chef provi­soire. Mais comment rempor­ter une élection où chacun annonce qu’il va voter pour sa pomme ? En faisant des promesses à tout le monde, évidem­ment… Mais une fois arrivé au pouvoir, qu’en faire ? Le démagogue se trans­forme en dictateur.

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Atten­tion, divulgâchage

Les bandes dessi­nées franco-belges abordent rarement le sujet de la politique et on peut consi­dé­rer cette histoire comme parti­cu­liè­re­ment provo­ca­trice pour des auteurs belges. Car le Schtroump­fis­sime est une figure royale et rappe­lons que la Belgique est une royau­té. Une fois arrivé au pouvoir, le Schtroump­fis­sime n’en fait rien à part défendre son statut. En face, les Schtroumpfs organisent la résis­tance.
Le plaisir extrême à lire cet album vient proba­ble­ment du fait que les Schtroumpfs… ne se comportent pas en Schtroumpfs. Et même le Schtroumpf à lunettes parti­cipe à un excellent gag récur­rent. Captu­ré alors qu’il parti­cipe à l’évasion du prison­nier politique Schtroumpf farceur, il attend pendant toute l’histoire que l’on vienne le délivrer, ce que personne ne semble envisa­ger une seconde.
Évidem­ment, le Grand Schtroumpf s’en revient au moment où le Schtroump­fis­sime allait passer à la casse­role. Et tout revient à la normale avec un dernier message pour les petits enfants : le peuple est aussi respon­sable de la quali­té de ses dirigeants.

Schtroumpfonie en Ut

Une gentille histoire : les Schtroumpfs montent un orchestre sympho­nique mais un Schtroumpf joue terri­ble­ment faux. Voilà une faille que Garga­mel saura utiliser.

Au final, si on excepte la décep­tion Vert Schtroumpf, je crois que je vais conser­ver ces albums à faire lire et relire.

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11 commentaires

  1. ”La Rimbam­belle” ?!
    Le Cosmo­sch­troumpf a vraiment un charme parti­cu­lier et le dessin est très bon ( Walthé­ry, Dérib… ?)

    • On ne se moque pas, je corrige. J’ignore qui travaillait dans l’atelier à l’époque, je n’ai rien lu sur le sujet.

    • Derib a priori. Pour moi graphi­que­ment c’est le Schtroumpf ultime, le plus beau avec leurs yeux qui tirent un peu vers l’arrière. Dire qu’au départ il s’agis­sait d’un album publi­ci­taire pour les biscuits BN !

  2. Ah ! Jeunesse envolée…
    D’après wikipédia ;)
    ”.… Walthe­ry, âgé d’à peine 17 ans, est le premier assis­tant du maître et parti­cipe aux dessins du troisième album ”La Schtroump­fette”. Face à son talent, celui-ci se verra confier la direc­tion d’autres séries créées par Peyo : Jacky et Céles­tin, puis Benoît Brise­fer. Ce sont Derib, puis Gos qui seront les nouveaux co-dessi­na­teurs des albums suivants. Gos parti­cipe au scéna­rio et au dessin du tome 5 en 1969 ” Les Schtroumpfs et le Cracoucass”,ainsi qu’au scéna­rio du tome 6 ”Le Cosmo­sch­troumpf”. Marc Waster­lain fait égale­ment partie du studio Peyo, contri­buant notam­ment au dessin du douzième album ”Le Bébé Schtroumpf”… ”

    • En cette période de Black Matters, il était dange­reux d’aborder le Schtroumpf Noir. Mais il faudra que je le relise.

    • J’ai corri­gé le lien et j’espère que je ne me suis pas trompé. C’est une analyse très intéres­sante en effet.

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