Chaland est immortel, il faut croire

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Quand j’ai appris l’existence de ce Yves Chaland, une vie en dessins, j’ai su que ça ferait un excellent cadeau à me faire offrir pour Noël. Sauf que Noël était déjà passé. Qu’à cela ne tienne, un petit coup derrière la tête d’une petite plus vieille que moi et, hop, par ici l’argent de la retraite.

Haute fidélité

Je n’ai pas fait partie des fans éperdus de Chaland mais je frétille toujours lorsque j’entends parler d’un ouvrage consa­cré à son travail. Il faut dire que son perfec­tion­nisme, son humour décalé et sa recherche constante en font un auteur à part. Et l’amateur ne sera pas déçu avec ce livre consa­cré à la repro­duc­tion de dessins et planches origi­nales. L’occasion de décou­vrir des images inédites ou de retrou­ver d’autres plus connues dont on n’avait vu que de pauvres repro­duc­tions (je pense à ses publi­ci­tés). Et de se faire une idée de sa façon de travailler avec des crobards, des crayon­nés, des repentirs…

Le texte et le dessin

Le livre est séparé en plusieurs chapitres (la jeunesse, la pub, les périodes…) intro­duit par un texte sobre et infor­ma­tif. Chacun des chapitres est agrémen­té d’extraits d’interviews de Chaland et de personnes qui l’ont cotoyé.
Au final, on obtient l’ouvrage le plus biogra­phique sur l’auteur et sûrement le plus intéres­sant de ce point de vue. Chaland a la réputa­tion d’un pince-sans-rire à la person­na­li­té dérou­tante (au moins pour les journa­listes), obsédé par une BD ancienne et peu intéres­sé par la moder­ni­té. On a pour la première fois un coup de projec­teur sur l’intimité et j’ai décou­vert un dessi­na­teur sûr de son talent et angois­sé de ne pas toucher le grand public (une angoisse justi­fiée par ailleurs).

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Pas si bon que ça

Je commence à avoir un paquet de bouquins sur le travail de Chaland et je me suis surpris à aborder celui-ci avec un œil beaucoup plus critique. Le post ado fan de Métal Hurlant doit avoir grandi finalement.
J’ai par exemple trouvé ses premières publi­ci­tés pour le Reader’s Digest assez moches, ses gouaches réalistes loin d’être au niveau des modèles dont il s’inspirait. J’ai été déran­gé par l’abondance des tics de dessin (mains, chaus­sures, visages réalistes inexpres­sifs) et, pour la première fois, j’ai vraiment pris conscience de ce qui pouvait agacer la critique à l’époque : la fasci­na­tion sans borne pour la bande dessi­née ancienne et l’artificialité qui en découle. Avant qu’il ne trouve réelle­ment sa voie avec Le jeune Albert et La comète de Carthage. Parce que les reproches éventuels se heurtent à un sacré écueil : la préco­ci­té du talent de Chaland. Tous ces « défauts » ne résistent pas au fait que Chaland a commen­cé très jeune sa carrière et il n’y a pas vraiment de compa­rai­son possible avec ses collègues de toute époque.

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Vers un avenir radieux

À quel point Chaland était-il angois­sé ? Son œuvre est parcou­rue de cauche­mars, de morts violentes, de person­nages cachés dans des grottes ou fuyant la guerre. Et je me suis rendu compte que ses traits tracés à la règle enfer­maient ses person­nages dans des labyrinthes graphiques dont ils n’arrivaient pas à s’extraire. Pour la première fois, j’ai pris conscience qu’il est mort sans avoir peut-être trouvé sa voie (pour ceux qui l’ignorent, il est décédé dans un accident de voiture à l’âge de 33 ans). Que Vacances à Budapest puis F‑52 (que je n’ai jamais vraiment appré­cié) étaient des albums de transi­tion alors que Métal Hurlant dispa­rais­sait et que l’édition de BD évoluait, avec moins de liber­té évidem­ment et l’envie de plus en plus impérieuse d’être recon­nu par le grand public.
Étran­ge­ment, son fétichisme du dessin à l’ancienne dans un univers rétro a trouvé sa cible avec le concept de reprise auquel il s’était diffi­ci­le­ment frotté (un Spirou inache­vé, un autre refusé). Je comprends seule­ment mainte­nant à quel point ses choix trouvaient diffi­ci­le­ment un écho parmi les lecteurs – un peu aveuglé que j’étais par son succès dans la publi­ci­té. Il n’était pas un bon client pour France Culture, lui qui avait propo­sé à L’Écho des Savanes un ouvrage consa­cré à la vie des Saints (et sans second degré).

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Au final, un ouvrage indis­pen­sable pour les fans et les curieux même si le tarif élevé aurait permis une jaquette plus épaisse, un garde page et peut-être un papier plus brillant. L’absence totale d’informations sur le format des origi­naux m’a aussi pas mal agacé. Contrai­re­ment à Chaland, tout le monde n’est pas aussi pointilleux sur les détails…

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2 commentaires

  1. Ton regard critique est bienvenu,me renvoyant à un texte de Sylvain Bouyer qui entrou­vrait la porte d’une possible limite du formalisme,du modèle comme perfec­tion par le trait(1986)et de ce qu’il pouvait rester de vif,personnel et faillible encore chez l’auteur;inévitable séduc­tion de Chaland.Entre son Tintin au Liban et quelques fantômes Will-iens dont je le trouve proche,on peut s’epancher éternellement,sans sincère lassi​tude​.Et mélan­ger F.le Gall avec Blutch pour avoir idée de,pourquoi pas,aujourd’hui dans le ventre de Chaland.

    • Je ne sais même plus ce que vaut LeGall au dessin (j’ai vu qu’il a signé un scéna­rio il y a peu).

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