L’Ascension du Haut-Mal (David B. – L’Association)

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Pour Noël, mon fiston m’a récla­mé les tomes 1 et 6 de l’Ascen­sion. Faut dire que je n’avais pas acheté le 1 parce que je l’avais déjà lu et le 6 parce que mon budget BD devait être serré à l’époque. J’ai donc relu d’une traite ce qui est reste une des oeuvres majeures parues à l’Associa­tion.
Le Haut Mal, c’est évidem­ment l’épi­lep­sie, mal dont est atteint le grand frère de David B.. Le récit autobio­gra­phique qui part de son enfance à ”nos jours” (bon, 2003 par défaut) dépasse très large­ment le cadre autobio­gra­phique tel qu’on le croise sur certains blogs. Il n’y a pas d’iro­nie second degré, de clins d’oeil complices avec le lecteur, de débal­lage de petits secrets honteux et amusants à la fois. À la relec­ture, j’y ai surtout vu une analyse de David B. de sa vocation d’auteur BD. Comment il a utili­sé ses dessins et ses fantasmes pour se proté­ger contre la maladie de son frère qui dévore peu à peu toute la famille. Il faut dire que les parents, désem­pa­rés devant une médecine officielle ineffi­cace, se tournent vers les soins alter­na­tifs. Nous sommes dans les années 70 et c’est toute une faune décalée et vague­ment perdue qui défile sous nos yeux. Si les personnes et les soins se révèlent décevants, la litté­ra­ture qui accom­pagne ce mouve­ment va former le jeune David B. et influen­cer ses choix scénaristiques.
David B. est une espèce d’énigme édito­riale : parmi les membres d’ori­gine de l’Associa­tion, il est le seul à ne pas avoir atteint le succès et la recon­nais­sance publico/​médiatique de ses collègues [1]. Il faut dire que son travail n’est pas ”aimable”. Il faut voir la façon dont il repré­sente son frère qui abdique devant la maladie, ses propres provo­ca­tions et sa solitude rêveuse. Pas de pathos, rien pour rassu­rer le lecteur. En même temps, je me demande dans quelle mesure, cette analyse de son propre travail n’a pas freiné l’évo­lu­tion de David B. Alors qu’il reproche à son grand frère d’être incapable de se débar­ras­ser de son enfance, les albums que j’ai lus de lui me renvoient au petit garçon qui se fabrique une armure pour se proté­ger du monde extérieur en lui faisant la guerre…
Pour conclure, l’action du Haut Mal se passe en grande partie à Orléans et Olivet. Il y a un côté fasci­nant pour moi (et j’ima­gine pour mon fiston) puisque je suis orléan­nais : j’ai toujours un peu l’impres­sion que le frère malade hante la ville, tel un Golem perdu. Et avec un Franck Legall invisible, on peut dire qu’Or­léans est la ville des fantômes BD.

la chute

[1] voilà, je cause, je cause et je dis un peu n’importe quoi. Des fonda­teurs de l’Assoce, seul Trond­heim a été recon­nu par le grand public comme le soulignent M. Grospa­ta­pouf et Gilber­to dans les commen­taires. Je pensais évidem­ment à toute la généra­tion d’auteurs qui gravitent autour de l’Assoce et pas seule­ment aux membres fondateurs.

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14 commentaires

  1. Plus que tout autre David B., cet ouvrage m’avait parti­cu­liè­re­ment impres­sion­né. Et ce d’autant plus que je l’ai pu le lire d’un trait dans son édition intégrale… en anglais. L’Asso­cia­tion n’aurait donc pas un fifre­lin à perdre pour rendre justice à ce livre majeur en le réédi­tant en un joli pavé, intégral, en français, à prix abordable ?

  2. N’y avait-il juste­ment pas eu, autour de cette ”série”, des bisbilles entre Menu et Beauchard, ce dernier souhai­tant en récupé­rer les droits pour une ré-édition, (chez Caster­man il me semble) ?

  3. @Totoche : je crois que c’était plutôt ”Les incidents de la nuit” qui étaient au centre d’un conflit quant à un éventuel recueil chez caster­man (ceci dit, ça a dû empêcher la publi­ca­tion d’un recueil français de l’Ascen­sion du haut mal par ricochet).

    L’ascen­sion du haut mal reste une œuvre extrê­me­ment forte. La somme de métaphores, d’allé­go­ries et de symboles que David B. crée pour éclai­rer un travail de recherche sur soi sans complai­sance me fascine toujours autant.

  4. @Totoche : oui, c’était mal goupillé comme phrase.

    @Hobopok : C’est vrai que ça suppor­te­rait sans problème le fameux format ”roman graphique” (je déteste ce terme, il faudrait que je trouve un équivalent).

    @jérôme : j’avoue que j’étais au courant de l’exis­tence des rapports tendus entre David B. et l’Assoce mais pas vraiment au fait des détails.

  5. ”parmi les membres d’origine de l’Association, il est le seul à ne pas avoir atteint le succès et la recon­nais­sance publico/​médiatique de ses collègues.”

    C’est très curieux que vous affir­miez cela, les livres de David B. sont certai­ne­ment moins lus que ceux de Lewis Trond­heim, Satra­pi ou Sfar (ces deux derniers ne faisant pas partie des membres fonda­teurs), mais ils me semblent tout de même nette­ment moins confi­den­tiels que ceux de Menu, Killo­fer, Matt Konture et Stanislas…

  6. Oui, sans jeu de mots, c’est un sommet, ce livre. Ce livre est puissant et méritait un succès au moins égal à Persé­po­lis, par exemple. Mais je ne comprends pas trop bien ce que tu veux dire par ”il est le seul à ne pas avoir atteint le succès et la recon­nais­sance publico/​médiatique de ses collègues”, parce que sur les six, il s’en tire pas si mal. En fait je ne vois guère que Lewis Trond­heim qui soit passé dans un registre média­tique et public ”supérieur”.

  7. @Gilber­to : parce que j’ai l’esprit biaisé. J’ai dit cela parce qu’il fait partie des auteurs de l’Assoce dont le travail semblait pour moi a priori acces­sible à un public plus large par sa théma­tique et son dessin. Quelque soit le ‑grand- talent des auteurs que vous citez, leur univers et/​ou leur graphisme sont un peu trop diffi­ciles pour séduire rapide­ment les lecteurs moins pointus. Stanis­las est un cas un peu parti­cu­lier et d’ailleurs, je n’arrive toujours pas à cerner son travail.

    @Grospa­ta­pouf : bon, je connais mal l’his­toire de l’Assoce pour parader mais disons, que dans mon petit crâne d’oiseau, je l’asso­cie à la décou­verte simul­ta­née de Blain, Blutch, Sfar etc… (hum, cet ”etc” est en trop on dirait).Mais j’ai tort d’un point de vue histo­rique. Je vais corri­ger ça.

  8. David B ne m’a jamais déçu (sauf sur Urani mais c’est de la faute à Sfar ! :-)).
    Pour les amateurs sachez que PLG publie ces jours-ci (certai­ne­ment pour Angou­lême) un livre-biogra­phie. Et j’ai hâte de voir l’album qu’il a scéna­ri­sé pour Tanque­relle sur Le gang des postiches.

  9. C’est un auteur précieux;il ne faudrait pas avoir honte d’oser:”écrivain”.son associa­tion avec Guibert est un chef d’oeuvre pas du tout usurpé.J’aimerai bien qu’ils colla­borent de nouveau…

  10. @Li-An : En fait, mainte­nant que j’y repense, c’était pas caster­man qui voulait reprendre Les incidents de la nuit, c’était la nouvelle mouture de Futuro­po­lis… Etant donné le peu d’estime que Jean-Chris­tophe Menu a pour cette struc­ture, on comprend mieux les bisbilles qui ont pu s’en suivre.

  11. @jérôme : En fait, c’était bel et bien caster­man, cf. le courrier de JC Menu à ce sujet publié dans le n° 1 de L’Eprou­vette p.282.

  12. @Gilber­to : au temps pour moi… (Fututo­po­lis a publié un recueil d’his­toires courtes de David B., c’est peut-être ce qui m’a induit en erreur)

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