Le libraire de Prague (Giardino – Casterman)

jonas-fink-giardino-couv-libraire-praguepg

Après dix ans sans sortir d’album, Giardi­no nous propose le dernier tome de la série Jonas Fink toujours chez Caster­man. J’ignore pourquoi Giardi­no ne publie plus (si ce n’est des recueils d’images de femmes dévêtues) et j’ai été un peu surpris. Et un peu inquiet à la vue d’une couver­ture pas très alléchante.

Coco sans coca

Jonas Fink est le fils d’un médecin intel­lec­tuel juif pragois arrêté par le gouver­ne­ment tchèque pour menées antiré­vo­lu­tion­naires sans que sa famille puisse savoir de quoi il est réelle­ment accusé. L’enfance racon­tait la jeunesse de Jonas, privé d’enfance et d’études par les autori­tés et qui voit sa mère s’étioler dans un espoir vain de retrou­ver un jour son mari.
Dans L’apprentissage, Jonas, employé dans une librai­rie, croise le chemin de lycéens qui s’échangent poésie et litté­ra­ture inter­dites. Il tombe amoureux de Tatja­na, la fille d’un haut respon­sable russe.

jonas-fink-giardino-enfance-couv

Le libraire de Prague se déroule dix ans après L’apprentissage. Jonas a repris la librai­rie, vit avec une petite amie vietna­mienne et il apprend le retour de Tatja­na à Prague. Le désir de la revoir est trop fort et arrive ce qui devait arriver. À savoir l’entrée des chars à Budapest.

Giardi­no a écrit sa trilo­gie parce qu’il connais­sait person­nel­le­ment des personnes de l’autre côté du rideau de fer. Les deux premiers tomes décri­vaient avec préci­sion la bêtise cruelle du régime commu­niste et rendaient hommage aussi bien à la litté­ra­ture qu’à la ville de Prague. Le person­nage de Jonas était touchant dans sa douleur rentrée, sa diffi­cul­té à vivre une vie normale, victime colla­té­rale de décisions arbitraires.
Dans ce troisième tome, qui se déroule au moment du printemps de Prague, il est devenu un adulte sombre qui cherche à faire innocen­ter son père et dont la mère est devenue folle. Le retour de Tatja­na va lui donner le courage de tenter de reprendre son destin en main.

C’était mieux avant

Caster­man a choisi le format roman graphique pour un recueil de 176 pages. Ça fait un peu bizarre parce que les planches en grand étaient magni­fiques dans la respi­ra­tion des cases. Mais pourquoi pas. Après tout, la couver­ture montre bien que le dessin de Giardi­no n’est plus aussi limpide et fluide qu’avant. Mais c’est compré­hen­sible à plus de 70 ans. Il suffi­sait d’une belle histoire et le plaisir aurait été tout aussi entier. Sauf que je ne suis pas entré du tout là-dedans.

jonas-fink-giardino-apprentissage-couv

Il faut avouer que Jonas est devenu franche­ment désagréable. Il faisait déjà la gueule mais il y avait de quoi et c’était contre­ba­lan­cé par des éclairs de joie. Ici, non seule­ment il ne va pas bien mais il se révèle lâche amoureu­se­ment parlant. C’est une approche qui aurait pu être intéres­sante mais ça s’ajoute à plein de choses qui m’ont déplu.
On retrouve par exemple le person­nage d’artisan qui avait pris Jonas sous son aile, un gros ours un peu alcoo­lo mais sympa­thique par son refus du confor­misme, une espèce d’ode au petit peuple pragois. Sauf qu’il ne sert à rien. La narra­tion alterne l’histoire d’amour de Jonas avec la prépa­ra­tion du coup d’État à venir par les respon­sables qui ont été mis à l’écart par le nouveau gouver­ne­ment. Ça s’insère de manière artifi­cielle, on n’arrive pas y croire, les deux histoires se coupent sans arrêt sans s’enrichir mutuellement.
Plus gênant, j’ai eu l’impression que Giardi­no multi­pliait les scènes et les cases bonnes pour la vente de planches origi­nales. Il y a donc un tas de situa­tions où les dames sont désha­billées qui paraissent assez artifi­cielles et, alors que Prague était un décor impres­sion­niste dans les deux premiers tomes, on se retrouve avec une suite de cartes postales avec des bâtiments emblé­ma­tiques qui envahissent les cases et autant de figurants qui parasitent les images. Aucun person­nage ne fonctionne et c’est terrible parce que Giardi­no avait un sens du portrait excep­tion­nel. Seule la fin, qui se déroule dans les années 90, surprend et oblige à changer la perspec­tive de l’histoire mais elle me paraît plus symbo­lique que vérita­ble­ment sensible et fait de Jonas le porte parole d’un Occident gâté et égoïste.

jonas-fink-giardino-02

Au final une vraie décep­tion (lettrage infor­ma­tique, grrrr) même si je m’y étais prépa­ré avec le dernier Max Fried­man que je trouvais assez vide. Giardi­no est un auteur BD qui m’a fait comprendre l’importance du scéna­rio et j’ai toujours adoré son dessin. J’oublierai ce Libraire… et me replon­ge­rai dans ses anciens albums.

Partagez ce contenu

Ne ratez plus rien en vous abonnant

Soyez prévenu par mail des nouvelles publications et suivez mon actualité avec la newsletter

!ABC Pour signaler une erreur ou une faute de français, veuillez sélectionner le texte en question et cliquer sur l’icône R en bas à gauche.

fille boutique fond
fille boutique seule300b

Visit my shop

Illustrations, livres, ex-libris, planches en vente sur ma boutique.

4 commentaires

  1. Ouf ! Mon senti­ment dominant est le soula­ge­ment d’apprendre que Giardi­no n’a pas lâché la rampe – ni les crayons. Je commen­çais à être inquiet de ne voir rien paraître de lui depuis pas mal de temps. Mais s’il était occupé à faire un gros album de 176 pages, ça s’explique. Je ne l’ai pas encore vu, je vais le chercher.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise des cookies pour vous offrir la meilleure expérience possible.