L’affaire Jane Eyre (Jasper Fforde – 10/​18)

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Cela faisait un sacré bout de temps qu’on me conseillait ce bouquin dont le pitch me mettait mal à l’aise : en pénétrant dans les livres, on peut modifier leur conte­nu ce qui conduit à des péripé­ties policières étonnantes. Ça faisait trop blougui boulga pour moi. Et mon bouqui­niste l’a rentré.

Assez curieu­se­ment, la couver­ture annonce ce qu’est le livre en donnant une idée fausse. Les dodos n’ont pas une telle impor­tance et elle donne à croire qu’on va parler de SF scien­ti­fique humoris­tique. En vrai, le livre est un hommage aux grands auteurs anglais et propose un univers alter­na­tifs qui a dû mettre en transe plus d’un litté­raire. C’est même fonda­men­ta­le­ment un livres de science fiction – mais comme c’est sale la SF, vaut mieux dire que c’est un délire à la Lewis Carroll. En fait, ça lorgne à mon avis plus sur Frede­ric Brown, Sheck­ley ou le fameux Guide du voyageur galac­tique de Douglas Adam dans le sens de l’humour et le délire assumé.

Résumer le livre est assez périlleux : Thurs­day Next est agent à l’OS-27 (Opéra­tions Spéciales) dite Brigade Litté­raire. C’est que dans l’uni­vers paral­lèle où évolue Next (ce n’est pas stric­to sensu une uchro­nie si on se réfère au papa de Next), la litté­ra­ture ancienne occupe la place de la musique pour jeunes/​le cinéma/​tous les trucs média­tiques qui passionnent le grand public. Pas que la litté­ra­ture mais aussi la grande musique, le théâtre et l’Art en général. Les Surréa­listes assas­sinent donc des Cubistes et ça dégénère en bataille de rue pendant que les truands refourguent éditions rares de Dickens ou faux origi­naux de Wordsworth et on va au théâtre voir une pièce de Shakes­peare comme d’autres vont faire les clowns à une projec­tion du Rocky Horror Picture Show.
Dans ce monde, l’Angle­terre est en guerre contre la Russie en Crimée, le Pays de Galle a fait séces­sion et ressemble un peu à l’Alle­magne de l’Est, on voyage en ballon dirigeable et on y rencontre des chasseurs de vampires (la France est toujours une espèce d’enne­mie redou­tée). On y croise surtout un super méchant, prénom­mé Hadès, aux pouvoirs surna­tu­rels, qui enlève le tonton à Next, inven­teur génial qui a fabri­qué une machine à rentrer dans les textes litté­raires. Et il faudra payer cher pour que Jane Eyre de Charlotte Brontë ne se voit pas profon­dé­ment modifié.

C’est donc parti­cu­liè­re­ment farfe­lu mais traité avec un grand sérieux comme il se doit : Next joue son avenir profes­sion­nel, sa vie amoureuse, la paix en Crimée et l’inté­gri­té de la Litté­ra­ture. C’est bourré d’idées, c’est souvent drôle et décalé et ça évite de tomber dans le n’importe quoi grâce au person­nage de Next, jeune femme déter­mi­née qui ne se fait plus d’illu­sions sur la vie. Mais si vous ne suppor­tez pas les paradoxes tempo­rels loufoques et les inven­tions à la Géo Touve­tou, vous risquez de trouver le livre indigeste.

Proba­ble­ment pas un chef d’oeuvre de la litté­ra­ture mais il donne envie d’en savoir plus sur Jane Eyre, et ça, c’est fort de café.

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8 commentaires

  1. Pardon d’arri­ver longtemps après la bataille mais comme je viens de le termi­ner, j’y vais de mon petit com, peux pas résister.
    A mon humble avis le véritable tour de force de Fforde est la simpli­ci­té avec laquelle il nous balance son univers pourtant bien barré. Quand on énonce l’ensemble des compo­santes, effec­ti­ve­ment, ça a l’air d’un truc SF super tordu et délirant. Sauf qu’à la lecture, tout semble d’une évidence confon­dante. Le simple fait d’évo­luer dans un monde qui prend telle­ment à coeur les consi­dé­ra­tions litté­raires, thèse hélas haute­ment impro­bable, parait aller de soi quand il nous l’explique. A aucun moment je me suis dit : tiens c’est un bouquin de sf en fait. Juste un polar où tout le monde est décalé, ce qui est, peut-être, l’essence même des polars dans la veine loufdingue quoi.

    Il parait que les autres tomes sont moins bien, mais j’ai quand même très envie de vérifier par moi-même.

    • @dba : la SF est perçue comme un truc telle­ment compli­qué que les gens ont tendance à préfé­rer dire que ça n’en ait pas quand ils s’amusent :-)

      • @Li-An : Les gens je sais pas, mais moi pas du tout. J’ai lu et vu des tas de truc de sf pas compli­qués et très amusants et qui néanmoins s’iden­ti­fient instan­ta­né­ment comme de la sf sans hésita­tion. Ici, c’est diffé­rent dans la mesure ou, aussi fumé que soit son univers, il ne diffère que très très peu du notre, fonda­men­ta­le­ment. Tout ce qui fait l’essen­tiel du récit appar­tient à notre quoti­dien le plus normal : le retour dans sa ville natale, la répara­tion d’un ancien amour encore vivace, des traumas hérités de la guerre, des services de police qui se tirent dans les pattes, un attache­ment profond à la litté­ra­ture, les fans, les musées, les petits restau, on est en perma­nence dans une réali­té tout à fait contem­po­raine. Quand tout à coups un élément de pur sf est intro­duit, ça ne parait qu’une origi­na­li­té de plus parmi des person­nages déjà fort décalés par eux-même Une sorte de loufo­que­rie momen­ta­née. L’exemple typique est ce père qui débarque de ses voyages tempo­rels. A chacune de ses intru­sions, c’est juste comme une excen­tri­ci­té dûe au perso lui même et non liée à la nature sf du récit. J’ima­gine qu’il y a quelque chose de très anglais dans cette approche. Une forme de poésie qui me touche profondément.

        • @dba : c’est vrai qu’il y a un côté Alice aussi. Ça se rapproche d’une SF humoris­tique à la Brown ou Sheck­ley dont on a perdu l’habitude.

  2. La compa­rai­son avec Lewis Caroll est très juste :) il y a une sorte de tour de force dans la série à mainte­nir la cohérence d’un truc complè­te­ment jeté ! J’ai bossé à Swindon, je ne savais pas qu’on en trouvait de la si bonne.

    J’adore la récur­si­vi­té qui se met en place dans le volume 5

    J’ai biché, mais biché cette série. Effec­ti­ve­ment peut être pas un chef d’oeuvre… mais peut être ^^

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