
Le bruit et les odeurs
La sonde et la taille est décrit comme « la dernière aventure de Conan » et on veut bien croire Albin Michel Imaginaires. Conan est à la fin de sa vie, un vieillard malade, roi des Sept Nations. Il a fait venir dans une lointaine forteresse cimérienne, alors que l’hiver s’approche, les forces vives de la nation pour arbitrer les différents conflits du royaume. Reste une délégation religieuse, des fanatiques en robe de bure qui osent interpeller leur roi, accusant les conseillers de dissimuler une situation catastrophique. Un coup d’éclat qui annonce une trahison bien plus grave alors qu’une étrange créature s’approche de la forteresse.
Je ne suis pas un super fan de Conan et plutôt branché Cugel l’astucieux. J’ai regardé d’un œil un peu distrait les récentes parutions BD consacrées à notre héros éditées en France, un peu perplexe face au retour d’un personnage pas vraiment dans l’air du temps. Du coup, il faut tirer son chapeau à Laurent Mantese qui, en mettant en scène un vieillard rongé par la douleur sur le point de tout laisser tout tomber, casse complètement l’image du barbare aux muscles saillants et en fait un personnage vraiment 2020. L’autre point fort du roman, c’est une écriture qui triture la matière, les odeurs, la crasse et n’hésite pas à décrire minutieusement les situations les plus atroces – raconter par le détail une opération chirurgicale qui nécessite de passer par derrière, faut oser. Une écriture qui tient de l’incantation hallucinée et qui a beaucoup plu aux critiques. Mais cette plongée dans le pire de l’humanité a failli me faire abandonner ma lecture. Surtout que le récit est bien ralenti par les descriptions qui frôlent la redite. Un autre écrivain aurait eu probablement besoin du tiers de nombre de pages pour un récit équivalent.
Comme je suis chipoteur, j’ai un peu été étonné par ce roi qui n’a pas été fichu de penser à sa succession (il n’y a même pas une femme officielle) et un peu agacé par des thématiques quelque peu catho/royalistes – le corps du roi, c’est le royaume ou ce gamin innocent et son chevreau, ultime raison de se battre pour Conan.
Mais que ces quelques remarques ne vous freinent pas. Même si on n’est pas fan du gros muscle huileux, Mantese délivre des scènes et des personnages qui risquent de vous marquer… si vous n’êtes pas allergique à son écriture. À noter une couverture étrangement à côté de la plaque et qui est loin de l’imagerie cauchemardesque suggérée par le texte.