Tamara Drewe (Posy Simmonds – Denoël Graphic)

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Posy Simmonds, je l’ai regar­dé de travers pendant de longues années. Qu’est-ce que c’était que cette British qui débar­quait avec un pavé inspi­ré de Madame Bovary qui raflait récom­penses et succès critique ? Et puis ce mélange de BD et de texte. Berk. Sauce anglaise. Son Gemma Bovery est donc resté de longues années dans ma biblio­thèque – trouvé d’occase – sans avoir le courage de m’atta­quer à ce pavé. Et puis, un jour, le courage et une petite claque. Évidem­ment le dessin n’avait rien de trans­cen­dant mais quel ambition, quelle écriture. Des person­nages complexes, humains et une magni­fique trans­po­si­tion de l’oeuvre de Flaubert. Il y a peu, un scéna­riste de mes amis me disait ”je viens enfin de lire Gemma Bovery que je laissais traîner depuis des années et c’est GÉNIAL”. Comme quoi… Ce à quoi il rajou­tait : ce ”Tamara Drewe” a de fortes chances de ne pas être à la hauteur”. Je peux le rassu­rer sur ce point.
Tamara Drewe est une fille intel­li­gente mais pas vraiment remar­quée jusqu’à ce qu’elle se refasse son gros nez pas beau. Cette petite opéra­tion chirur­gi­cale lance sa rubrique édito­riale et la trans­forme litté­ra­le­ment en objet de désir. N’importe quel scéna­riste conscien­cieux aurait fait de cette métamor­phose le thème central. Trop facile pour Simmonds pour laquelle ce n’est que le début de l’his­toire. En présence de l’ancien petit canard (qui savoure son triomphe), les hommes se mettent en campagne et les femmes serrent les poings. Tamara gravit peu à peu les marches de la réussite, ce que Simmonds traduit par une place de plus en plus impor­tante dans les magazines people.
Franche­ment, je reste baba devant cet album. Simmonds parle sérieu­se­ment de notre époque, pas d’un fantasme litté­raire très XIX° dont se contentent les auteurs français mais d’un monde où le paraître rapporte plus que l’intel­li­gence, où la campagne n’est plus qu’un vaste champs d’ennui où les gamins perdent les pédales en rêvant de ville et où les bobos tentent de recréer leurs rêves de retour aux ”valeurs tradi­tion­nelles” (on pourra compa­rer ça avec le très connu Retour à la Terre de Larce­net et Ferri, telle­ment sage à côté). Sa façon de montrer l’action à partir de plusieurs points de vue fait un album choral encore plus complexe que son prédé­ces­seur. Son mélange de texte et de planches résoud parfai­te­ment le problème de la voix off en BD. C’est une BD sur le milieu litté­raire britan­nique, sur le désir de recon­nais­sance, sur la vanité, sur … barf, trouvez le d’occase.

Désolé pour la planche ”in english”, j’ai lu ça en VO aux States…

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25 commentaires

  1. J’ai mis un moment aussi avant de me décider. Ca faisait partie des bds qui étaient un peu partout dans les (rares) librai­ries bd anglaises, mais la couver­ture me repous­sait à chaque fois. (dans la version que j’ai le fond est blanc et la typo rose fluo) J’ai fini par me motiver suite à l’ava­lanche de prix en me disant que oui bon peut être.

    Et en effet c’est riche ! Les pages de textes peuvent sembler un peu rébar­ba­tives au départ mais elles sont néces­saires et valent mieux au final que des cases inutiles sencées simple­ment illus­trer les senti­ments du narrateur..

  2. Ne vous battez pas :-) J’igno­rais que c’était inspi­ré d’un roman (donc encore une fois) et du coup Frears adapte­rait une BD inspi­rée d’un roman. L’adap­ta­tion litté­raire du film va valoir son pesant de cacahouettes.

  3. Pour info, Tamara Drewe va devenir un film dans les mains de Stephen Frears, et le travail de Simmonds s’est inspi­ré du roman de Thomas Hardy, ”Far from the madding”. Voir ici :

  4. Je vois le genre Boying­ton, on veut jouer au plus malin.

    Je dirai donc pour parfaire toute cette mine d’infor­ma­tions que le fait que la bd était prépu­bliée dans le Guardian peut justi­fier en partie aussi le choix d’avoir parfois des pleines pages de texte. Quand on lit un journal et qu’on tombe sur une page moitié texte moitié dessin c’est plutôt avenant et permet de faire une passe­relle pour les lecteurs un peu rétifs.

    Moi ce que j’attend au-delà de l’adap­ta­tion en bouquin du film, c’est le jeu vidéo qui va être fait à partir du scéna­rio de l’adaptation.

    Puis du dessin animé tiré du jeu vidéo.

  5. c’est ça la socié­té de consommation.
    T’as oublié le CD de la musique du film, et les figurines en résine peinte et vernie de la belle Tamara et de ses comparses princi­paux, et les planches origi­nales de la BD, et les posters depuis le film, et la biogra­phie de l’auteur, et plus tard l’inté­grale de son oeuvre en relié, et.…

  6. @Glorb : non, là tu confonds avec Persé­po­lis.

    À propos des lecteurs rétifs à la BD, je ”conseille” la page ”À Suivre” du Téléra­ma de cette semaine où M. Michel Abescat écrit à propos de la presse écrite pendant la période estivale :
    ”Que de numéros au régime minceur, de couver­tures people, de pages perdues au profit de jeux et de ”BD de l’été” (Téléra­ma n’y a pas échap­pé)![…] En refusant de voir que c’est la pauvre­té des conte­nus qui éloignent les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.”
    Je m’en vais lui envoyer des gentillesse par mail à ce monsieur (de toute manière je suis grillé à Téléra­ma).

  7. Ah oui, j’ai lu cet article et j’ai bien grincé des dents aussi ! Autant de mépris, quand on voit la bienveillance coupable dont ils font preuve pour le cinéma français dans ses pires égare­ments (par exemple, récem­ment une chronique élogieuse, et avec deux T, pour ”Peindre ou faire l’amour”, un film creux, fumiste et ridicule, ou encore deux T pour ”Comme t’y es belle !”, une comédie insup­por­table (impos­sible de tenir plus de cinq minutes).… Je vais faire pareil, tiens, un petit mail.

  8. En fait c’est pas ce qu’on croit. C’est plus subtil. La typo change selon les prota­go­nistes. La comic sans corres­pond à une ado, d’où le choix de la typo (qui m’a fait sursau­té aussi la première fois)

  9. @Glorb : je n’ai même pas fait gaffe !?! (mais alors que je commence un dur combat contre le lettrage infor­ma­tique, je n’ai pas été géné par celui-ci dans cet album).

    @Grospa­ta­pouf : ah ben finale­ment, pchit. J’ai consi­dé­ré que ce Monsieur ne méritait pas le déran­ge­ment. Mais ne te gène pas, hein :-)

  10. Je découvre la BD en même temps que ce blog.
    C’est quoi un ”dessin pas transcendant”?
    Posy Simmonds me tente bien, mais je pense que si tu me décri­vais une plâtrée de nouilles je serai tentée aussi… qu’est ce que t’écris bien Li-An !

  11. Pas trans­cen­dant, ça veut dire dans ma petite tête de poulet que je n’aurai pas acheté l’album pour le dessin. Il n’y a pas de virtuo­si­té parti­cu­lière et la rondeur un peu bonhomme (pas le dessi­na­teur) peut donner l’impres­sion d’his­toire gentillette voire humoristique.

    Sinon, les spaghet­tis, c’est bon aussi.

  12. J’ai acheté cet album dans un grand élan d’enthou­siasme … et je ne l’ai pas encore lu. Le livre se trouve toujours dans la pile de choses à lire et son épais­seur m’inti­mide. Ton billet va peut être me décider ;-)

  13. Je sais que c’est une compa­rai­son étrange, personne ne voit de quoi je parle. Mais bon en regar­dant la couv de Gemma Bovery ça me semble frappant

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