L’Arabe du futur (Riad Sattouf – Allary Éditions)

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Un jour, en parcou­rant Télémé­rou, je suis tombé sur une news assez hallu­ci­nante : Riad Sattouf commen­çait à travailler sur un nouveau scéna­rio de film après Les beaux gosses. Le genre d’infor­ma­tion que les journa­listes de Télémé­rou ne donnaient pas pour Scorsese, Bertrand Blier, Jacques Audiard ou David Lynch mais, dans ce cas précis, ça semblait d’une impor­tance vitale. D’ailleurs, dans la foulée, Sattouf redesi­gnait les petits person­nages de conten­te­ment des critiques de films du fameux magazine télé. Le film en question sorti il y a peu, Jacky au royaume des filles, n’a pas réussi à obtenir le petit gars qui saute en l’air. Mais il n’est pas sans rappe­ler ‑je n’ai vu que la bande-annonce- sa nouvelle BD autobio­gra­phique, l’Arabe du futur paru chez Allary Éditions.

L’ama­teur de BD commence par se poser une question sensée : ”mais c’est quoi Allary Éditions” ? C’est ”Une petite maison d’édi­tion généra­liste très contem­po­raine, axée sur la création française ». Cet album BD semble être le seul à son catalogue et ça donne une petite idée de l’état de l’édi­tion BD en France aujourd’­hui avec des éditeurs qui font de la BD comme ils font des romans et des auteurs qui ne trouvent pas leur place – ici volon­tai­re­ment je suppose – chez les éditeurs BD classiques.

Dans l’Arabe du futur, Sattouf raconte sa jeunesse, fils d’une Bretonne et d’un univer­si­taire Syrien. Ballot­té dans le Moyen-Orient de l’époque au gré des postes de son papa (Libye et Syrie), le tout petit Sattouf pose un regard très aigui­sé sur la vie quoti­dienne, les rapports hommes/​femmes ou l’enfance dans des pays sous régimes dicta­to­riaux graves et de tradi­tion musul­mane. Comme souvent chez Sattouf, ce sont les rapports violents entre les êtres et dans la socié­té qui sont souli­gnés – d’une violence souvent physique d’ailleurs – mais le livre fait surtout un portrait de son père.

Le papa de Sattouf est un sacré numéro. Persua­dé de l’ave­nir du monde arabe, rêvant lui-même d’un grand destin, il a beaucoup de mal à se confron­ter à une réali­té complexe qui lamine ses idéaux – et la vision qu’il a de lui-même. Il a épousé une française blonde et se raccroche à ses racines, se moque des faiblesses des idéaux démocrates mais ne trouve pas d’alter­na­tive accep­table. Il y a une scène où il se plaint du racisme des Français et dit du mal des Africains noirs dans la même phrase.
Curieu­se­ment, cette vision très ironique et acide des angoisses pater­nelles est aussi un portrait très tendre d’un homme qui aime profon­dé­ment sa famille et qui a des rêves de petit enfant de la campagne syrienne – une belle Mercé­dès aux roues carrées et une figurine de taureau noir comme porte-bonheur.

Il y a aussi un person­nage central qui n’est jamais abordé de manière frontale par Sattouf : sa maman. Elle suit son mari sans broncher, s’oppose à lui sans violence et on ne sait jamais tout à fait de ce qu’elle pense des choix de vie assez radicaux qu’elle doit subir. Comme quoi, même chez un dégom­meur comme Sattouf, il semble diffi­cile de s’atta­quer à la figure maternelle…

Si j’avais de plus en plus de mal à lire La vie secrète des jeunes, trop dépri­mant pour moi, L’Arabe du futur est une belle surprise, tout aussi cruel mais avec une pointe de tendresse bienvenue.

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2 commentaires

  1. Jacky au Royaume des filles, moi j’ai trouvé ça plutôt rigolo. Apparem­ment je suis un peu seul sur le coup… Quand j’ai vu la couver­ture de l’Arabe du futur ce qui m’a frappé c’est que ça a l’air de se dérou­ler dans le même univers que Jacky (carica­ture d’uni­vers totali­taire avec généraux bardés de médailles, propa­gande sur tous les murs, barre d’immeubles sovié­tiques paumés dans un décor déser­tique) Je jette­rais proba­ble­ment un oeil dessus, tes commen­taires attisent ma curiosité.

    • D’ailleurs, les femmes de Jacky ont l’air habillées à la mode syrienne – avec un truc carré sous le voile.

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