Bruno Chevalier (1961 – 2024) nous a quitté il y a peu. Il a scénarisé une série de BD fantasy publiée entre 1997 et 1992 chez Delcourt qui a incité, avec La Quête de l’Oiseau du Temps de Letendre et Loisel, les auteurs et éditeurs à investir un genre peu représenté en BD à l’époque et réservé à un public de niche.
Grosbill un jour
D’après ce que j’ai lu, Chevalier et Thierry Ségur se sont rencontrés sur les bancs du lycée et ont développé une passion commune pour les jeux de rôles qui avaient atteint les rivages français. Ils publient dans la fameuse revue Casus Belli les Aventures de Croc le Bô et se font remarquer par Delcourt à qui ils proposent La légende des Contrées Oubliées, une aventure fantasy en trois albums. Un début fracassant qui n’aura en fait pas de suite…
Comme un dé à 20 face
Un voleur avide croise la route de trois nains un peu perdus en quête de leur futur roi. Après un démarrage assez classique – la bande engage un guerrier très bas du front pour rajouter du muscle – l’histoire devient de plus en plus sombre. Nos héros vont découvrir les Puissances qui ont façonné leur monde, des Puissances en déréliction et qui entraînent dans leur folie particulière des personnages dépassés par ce qui leur arrive.
Je ne suis pas un grand connoisseur de la fantasy (en BD, à l’époque, on avait Aria de Weyland et Thorgal de Rosinski et Van Hamme) et j’ai été frappé par la noirceur de la trilogie. Le dessin de Ségur, vraiment original pour le coup, accentue l’étrangeté de l’univers. Les créatures ont des formes inattendues et on frise quelquefois l’abstraction. Tout n’est pas parfait (mais c’étaient leurs premiers albums), je ne comprends pas toujours ce qui est montré (Ségur ne travaille pas beaucoup les contrastes et ses formes sinueuses peuvent perdre le regard) et les Puissances ont l’air de vivre dans une surface restreinte qui rend un peu confus les enjeux qui se précipitent. Néanmoins, il y a une ambition d’univers et de violence qui ne sera pas égalée par toute la génération qui va s’inscrire dans la mouvance fantasy.
Que reste-t-il de nos épées à deux mains +1 contre le Mal ?
Le succès est au rendez-vous, mais les auteurs ne vont pas capitaliser là-dessus. Ségur, un peu gavé de dessiner du nain (même halluciné aux yeux rouges) va développer ses propres histoires (avec une inspiration Caribéenne d’où il est originaire). Il travaille aussi pour le cinéma et la publicité et finit par laisser filer la BD. Chevalier, qui restera impliqué dans le monde du jeu de rôles, disparaît totalement de celui de la BD.
Restent trois albums dont la fantasy originale mérite qu’on les découvre encore aujourd’hui.
Juste hommage. Cela me frappe combien ces ”années Delcourt ”ont marqué…peu après les gens d’Asylum,des histoires, des pattes qui donnaient un petit coup de fouet salutaire.
J’ai l’impression que c’est la dernière vague de BD vraiment populaire qui a touché un nouveau public encore jeune. En plus, les auteurs avaient un temps d’avance sur les éditeurs. Et puis Soleil a industrialisé tout ça.
Ah ouais ! Là, tu touches à la fibre sensible. Casus Belli, croc le bô, mes années lycée et fac. Tout est foutu !
Tout à une fin. Personnellement, je suis passé à travers le jeu de rôle alors que mon entourage y a pas mal joué.