La ligne de fuite (Christophe Dabitch & Benjamin Flao – Futuropolis)

Adrien adore les poèmes de Rimbaud au point d’en écrire de faux publiés dans ”le Décadent”, revue poétique parisienne en quête de notorié­té. Cette impos­ture à l’insu de son plein gré va le pousser à partir à la recherche de son modèle perdu dans les chaleurs abyssiniennes.
J’avoue que je me sens incapable d’écrire une quelconque critique raison­née sur cet album. Est-ce que c’est finale­ment conve­nu (Rimbaud, la quête de l’abso­lu ?) ou alors inspi­ré et origi­nal ? J’ai un gros problème : le dessin de Benja­min Flao. Il faut dire que son travail tombe pile dans mes préoc­cu­pa­tions. Visible­ment, l’album est réali­sé au crayon et à l’aqua­relle. Le trait est enlevé, oscil­lant intel­li­gem­ment entre croquis rapide dans le feu de l’action et décors plus travaillés (photos ?). Ça donne un rythme, une respi­ra­tion qui pousse la lecture. Cette façon d’adap­ter le trait à ce qui est racon­té justi­fie l’achat de l’album. La tradi­tion du même dessin répété à l’infi­ni dans la BD, un principe établi aussi bien en Europe qu’aux Etats Unis ou au Japon, a ses avantages indéniables mais pose des problèmes d’évo­lu­tion person­nelle. Est-ce qu’un dessi­na­teur de BD est condam­né à dessi­ner toujours la même chose de la même manière ? Il y a des évolu­tions inévi­tables sur le long terme mais la BD ”classique” évite soigneu­se­ment de pertur­ber le lecteur. En règle générale, seul la BD d’humour s’est permis de bouscu­ler ce dogme (pensons à Gotlib ou…Moebius) et il y a dans le manga, de façon plus codifiée, des passages à la carica­ture forcée. Dans la nouvelle BD française, Blutch ou Blain travaillent là-dessus, poussant le trait, le bouscu­lant et tentant de le faire vivre. Il me semble qu’il y a une voie intéres­sante à explo­rer, une façon de remettre le dessin dans la narra­tion sans passer par un travail maniaque qu’il faut encou­ra­ger. Bref, tout ça pour dire que je ne suis pas fichu de dessi­ner deux fois de suite le même visage…

le chevalier servant
clic

Questions vague­ment titillantes : faire une histoire sur quelqu’un cherchant après Rimbaud plutôt que sur Rimbaud est-il dans l’air du temps ou justi­fié ? Faut-il éviter de se confron­ter au mythe pour tourner autour ? Est-il plus intéres­sant de parler de quelqu’un qui veut être Rimbaud ? Est-ce que ce n’est pas une façon d’évi­ter le vrai sujet ? Les chapeaux sont-ils vraiment petits ou c’est moi qui vois mal ? La couver­ture est-elle réussie ou juste passe partout ? Fallait-il faire un dossier pour expli­quer le pourquoi du comment à la fin de l’album ?

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14 commentaires

  1. Et voilà que tu nous impres­sionnes pas seule­ment par ton trait – mais oui, lâche-toi, j’adore :-) – mais égale­ment par le débit de tes questions ! 

  2. Manu : c’est une réponse à mes questions ?
    (Brigitte a un petit ami, Doc, ne sème pas la zizanie dans les couples) 

  3. Hello
    Poser un avis sur cet album est effec­ti­ve­ment tres diffi­cile. C’est tres ambigu pour moi dans la mesure ou l’his­toire me dépasse comple­te­ment ! (que voulez vous, on est pas tous passio­nés par Rimbaut) 
    En revanche mais alors cette façon de dessi­ner est vraiment révolu­tion­naire. Chaque case est une oeuvre d’art ou l’expres­sion des person­nages, l’ambiance, l’action et le mouve­ment sont magis­tra­le­ments resti­tués par un coup de crayon magique…Et ces couleurs !!

  4. Ah ben, c’est le moment de s’inté­res­ser à Rimbaud alors :-). Je ne parle­rai pas person­nel­le­ment de révolu­tion mais je comprends qu’on puisse décol­ler à la vue de ces planches :-) 

  5. Intéres­sant ! Je tombe un peu par hasard sur tes commen­taires à propos de cet album … que j’ai aussi chroni­qué sur mon blog.

    Evidem­ment … tu es beaucoup plus sévère que moi ! Je suis proba­ble­ment bien naïf, mais j’ai adoré cette mise en image des poèmes de Rimbaud. Je trouve que le choix des images aussi bien que le type de scéna­rio permet d’abor­der sans pédan­tisme l’uni­vers du poète.

    Je vais oser répondre à certaines de tes questions. Oui, il me semble judicieux d’appro­cher le mystère Rimbaud par le biais d’un admira­teur qui le recherche. On se focalise d’abord sur un person­nage plus simple à comprendre, et cela permet d’intro­duire progres­si­ve­ment l’énigme du poète. En fait, personne ne sait vérita­ble­ment qui est ce prince des poètes ayant renié la litté­ra­ture. Il y a des milliers de livres aux inter­pré­ta­tions souvent très diffé­rentes sur ce sujet, et Dabitch essaie d’évi­ter ce piège en utili­sant les seuls textes qui nous restent. Il évite les inter­pré­ta­tions hasar­deuses et met en scène l’époque plutôt que le person­nage. Cela revient bien sûr à ”tourner autour du mythe pour éviter de s’y confron­ter”, comme tu l’écris, mais il touche parfois au mystère. Il y a ainsi des fulgu­rances dans cet album, des intui­tions qui surgissent avant que leur sens ne dispa­raisse, et ceci retrouve le vrai mystère de Rimbaud.

    Sinon, par rapport aux chapeaux ou à la couver­ture, je n’ai pas d’avis particulier ;-)

  6. Je viens de me relire et je me dis que je pourrai remettre en forme ce billet un peu obscur :-)
    Mes question­ne­ments à propos de ”l’évi­te­ment du mythe” viennent d’autres histoires du même tonneau comme ”La perle” (enfin, je crois que c’est ça) qui raconte Rembrandt vue par sa servante. Il me semble que dans les années 40/​60, les roman­ciers et cinéastes n’avaient pas peur de s’atta­quer aux person­nages. Est-ce qu’il fallait faire Sparta­cus vu par son copain, Van Gogh par le docteur Trucmuche, Cléôpatre par une esclave ? Disons que c’est Rimbaud qui suscite ma curio­si­té d’abord, je me suis senti moins concer­né par ce jeune homme qui veut faire pareil…

  7. Oui, c’est vrai. Dans le temps, on décou­vrait le Van Gogh de Kirk Douglas ou la Cléopâtre d’Eli­sa­beth Taylor, et c’était bien plus simple. On consta­tait toute­fois 10 ou 15 ans après que Cléopâtre n’était pas du tout comme on l’avait imaginée.

    Il existe tout de même un film améri­cain (dont le titre est Eclipse Totale) qui met en scène Rimbaud et Verlaine, et c’est inter­pré­té par Leonar­do Di Caprio. C’est semble ‑t-il un défilé de turpi­tudes et de beuve­ries (selon les critiques que j’ai lues il y a une dizaine d’années) et le film est décrit comme très lointain de l’ambiance du Bateau Ivre. Bon … je recon­nais que je parle d’un film que je n’ai pas vu, mais ce que je veux dire, c’est que l’on peut faire beaucoup de mauvais films (ou de mauvaises BD) en ayant le culot d’abor­der fronta­le­ment le person­nage. Cette hîstoire est pleine d’énigme et de rebon­dis­se­ments specta­cu­laires, et elle est propre à intéres­ser les scéna­ristes, mais si on on s’inté­resse à la vérité qui se chache derrière ces péripé­ties, on est généra­le­ment déçu par les inter­pé­ta­tions hâtives ou les visions étriquées des cinéastes (ou des écrivains). Rimbaud lui-même est plus intéres­sant que Rimbaud vu par .. Di Caprio par exemple.

    Qui dans le fonds est à la hauteur du mythe de Rimbaud ? Et qui est capable d’en faire une fiction sans affadir son univers ? Je crois que la prudence de Dabitch a permis de créer un album qui résonne juste. Le dessin de Flao (relevé de couleurs claires qui me rappellent les paysages de Monet ou de Pisar­ro) montre par ailleurs le formi­dable pouvoir évoca­teur de la BD.

    Mais je recon­nais que je suis un peu naïf :-)

  8. Je me rends compte que ma problé­ma­tique est peut-être un point de vue d’auteur. J’aurai person­nel­le­ment tenté d’atta­quer Rimbaud de face quitte à me planter… Ça me parait plus rigolo :-). Je crois qu’il ne faut pas hésiter à se confron­ter aux mythes. Rimbaud ne se posait pas de question, lui :-)

  9. Je l’ai lue il y a quelques temps cette BD, sans déplai­sir il me semble, mais elle ne m’a pas non plus laisser un grand souve­nir. Il faudrait que je la relise.
    Mais pour ma part je ne l’ai pas comprise comme une bio de Rimbaud, ni même comme un travail sur cet auteur, mais plutôt comme la peinture d’une époque et d’un mouve­ment litté­raire, et du parcours romanesque d’un person­nage allant sur les traces du poète comme image d’un idéal à atteindre.
    C’est tout de même une nuance qui a son impor­tance, mais je crois qu’à la parution on a fait un ”battage” un peu trompeur sur cette publication.

    C’est aussi un travers de la BD actuelle que de trop souvent vouloir paraître ”intel­li­gente” et culti­vée… du moins c’est surtout le travers des journa­listes qui les encensent démesurément.

  10. J’ai bien peur que tu aies raison, Vasco, il ne faut pas voir cet album comme une histoire SUR Rimbaud.
    Je ne suis pas contre le fait que la BD tente de dévelop­per des thèmes liés à la culture (kof kof kof, je traîne un projet qui va dans ce sens) mais c’est vrai que la façon dont une certaine presse gère la BD déforme les perspec­tives. Mais c’est un problème plus large que celui de la BD en France.

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