Berceuse électrique (Ted Benoit – Casterman)

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Ted Benoit est une espèce de mystère BD à lui tout seul. Il a commen­cé dans Métal Hurlant par des histoires expéri­men­tales (autant sur le scéna­rio que le graphisme) pour s’orien­ter vers la ligne claire la plus Hergéienne à la mode 1980. L’apo­gée de son système est atteint avec ce Berceuse électrique, hommage aux romans policiers/​films noirs des années 40/​50.
Ray Banana est une espèce de Clark Gable à la cool, affublé de lunettes Ray Ban, qui se voit embar­qué dans ce qui ressemble à une affaire d’espion­nage en échan­geant de voitures avec un scien­ti­fique d’ori­gine russe. Presley, sectes, soucoupes volantes, guerre froide, Benoit mélange toutes les icônes de l’époque qui sont aussi les thèmes en vogue dans les années 80 qui se la jouent fifties vinylées notam­ment d’un point vue musical (ah, les Stray Cats). Cela lui permet de dévelop­per son obses­sion de l’archi­tec­ture et son fétichisme des belles bagnoles US tout en gérant un polar compli­qué de belle manière. Les person­nages hauts en couleur se succèdent (femmes fatales, milliar­daires fous, privé glauque…) et les seconds rôles sont parti­cu­liè­re­ment bien campés (Thelma Ritter sort direc­te­ment de Fenêtres sur cour de Hitch­cock). J’ima­gine que le vrai amateur de polars pourrait appré­hen­der réelle­ment toutes les citations glissées ici ou là par Benoit. L’uti­li­sa­tion de la trame donne une ambiance crépus­cu­laire parti­cu­liè­re­ment intéres­sante et c’est au final un grand album hors norme.
Ray Banana vivra d’autres aventures mais jamais de façon aussi marquante. Cité lumière, le deuxième tome des aventures de Banana se déroulent à Paris en couleurs et n’a déjà plus la même saveur. Banana sera malme­né dans des histoires courtes dans Métal et vivra des aventures plus sérieuses et moins ligne claire dans À Suivre mais j’ai moi-même arrêté de suivre. Le dessin de Benoit se prête bien à la pub qui lui permet de dévelop­per son sens du perfec­tion­nisme et il se retrouve à faire du Blake et Morti­mer avant qu’on lui retire son joujou pour cause de retards répétés. Je suis assez parta­gé sur le travail de Benoit qui semble, comme la plupart des gens de sa généra­tion, un peu perdu dans ses obses­sions et la double nostal­gie des années 80 et d’un dessin ”clair”. Il a réali­sé des images étonnantes (l’hom­mage à Hergé) et des choses qui ne m’ont pas du tout touché.

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Une réédi­tion des albums Banana chez Caster­man nous a privé de ”vraies couvertures”…

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20 commentaires

  1. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de nostalgie;il y a une poignée de Floc’h,Ted Benoit,ayant une espèce de ”morale” du dessin,sans arrières pensées;des resca­pés de la mort d’Yves Chaland,comme lui,représentants d’une certaine élégance assumée avec cette sorte de désillu­sion puisque cette école là n’est plus​.Je ne les consi­dère pas comme des passéistes tentants une résur­rec­tion d’un style,ni m^me de passion­nés achar­nés du dessin…Dans cette lignée exigeante-l’écri­ture-avec cette ligne graphique là on peut égale­ment citer Béja et Natael…

  2. Pour l’ins­tant, je trouve que la ligne claire telle qu’on l’a connu à l’époque, synonyme d’une certaine moder­ni­té, n’a pas passé les années 90 sans casse. Je veux bien croire qu’ils font un travail remar­quable mais je n’ai rien lu/​vu de récent qui m’ait marqué ou donné envie d’en savoir plus.

  3. Ah,mais justement;je ne crois qu’il y ait une survi­vance de cette ”ligne claire”,elle ne me semble en aucun cas nourrie ou cultivée…Je regrette juste que le travail de Ted Benoit sur BLAKE & MORTIMER(dont je suis de loin le parcours éditorial)ait été à ce point balayé par une tendance au pastiche plat…Trés beau travail de Ted Benoit sur ces deux albums(1996 et 2001)

  4. Ah, j’ai mal inter­pré­té ton commen­taire alors. D’un autre côté, ils sont peut-être les premières victimes d’un nouveau système commer­cial qui voit des auteurs ambitieux se mettre à reprendre des séries à succès.

  5. Victime je sais pas. Il avait peut-être envie de toucher le jackpot avec B&M et atteindre des tirages inacces­sibles avant.
    Cela m’étonne que tu dises qu’on lui ait retiré son joujou. Il me semblait l’avoir entendu/​lu dire qu’en en avait marre ? Mais peut-être n’était-ce que pour sauver la face.

  6. Je ne sais pas exacte­ment qui a fait quoi mais c’est sûr que son rythme de travail a fait parler à l’époque.
    Pour ce qui est des tirages, je peux comprendre ça mais le concept ne me parait pas quand même des plus riches du point de vue de la création.

  7. je penche pour l’hypo­thèse ”grand fan de Jacobs”, plus pour l’his­toire avec un grand hache que pour l’argent ou les tirages.

    j’adore cette période, pour le mystère qui peut se dégager de ces images au cordeau, même si je crois que Joost Swarte est celui qui m’a le plus marqué (j’ai dévoré Coton et Piston étant petit) avec des images juste­ment telle­ment ”claires” qu’à la fin elles en deviennent abstraites voire carré­ment inquié­tantes. Avec Benoit on est plus sur le versant jacob­sien, moins Hergé, du coup un peu trop sérieux je trouve.

  8. Oui, Swarte est le plus créatif, c’est lui qui joue le mieux avec les possi­bi­li­tés. Et en effet, le côté fan de Jacobs a beaucoup joué, je vais peut-être le préci­ser dans le billet. Le problème, notam­ment avec Spirou, c’est que tout le monde dit mainte­nant ”oui, mais en fait c’est parce que je suis fan de Spirou que je fais ce projet plein de fric au lieu de dévelop­per mon propre univers”. Moi, je vais refaire de la ”7° Compa­gnie”. Oui, mais vous compre­nez, j’étais super fan dans ma jeunesse !

  9. Entiè­re­ment d’accord;pas un mot à retrancher!Les auteurs soupirent devant une commu­nau­té de ”fans” bourre­lés de nostal­gie mais tout le monde semble trouver son (triste) compte dans cette art de culti­ver les poussières…Et si l’on parlait des ”Spin off” pour enrager davantage..?Par (contre)exemples:Renaud Dilliès ou David Dethuin,Bastien Vivès tracent leurs propres routes,digérées des influences et toutes cultures pour racon­ter leurs histoires,avec un regard actuel…

  10. Ou alors, ils n’ont plus rien à racon­ter ? Disons que je comprends le concept du spin off (et si on me propo­sait un Largo Winch, qu’est-ce que je dirai ?). Quelque fois, y’en a marre de manger des pâtes. Mais qu’on ne donne plus des leçons de morale après ça…

  11. Je ne mettrais pas toutes les reprises dans le même panier. Par exemple, je trouve que quelques one-shot Spirou sont très créatifs alors que les néos B&M, Lefranc et cie sentent bien la naphta­line et le faisandé …
    Mais il faut dire que je ne suis déjà pas un fan des B&M de Jacobs que je trouve très surfaits, pompiers, vieillots et réaction­naires (rayez les mentions inutiles)
    Il faut croire que notre époque incite à la régres­sion et la recherche éperdue du paradis de l’enfance, pour que la nostal­gie cartonne à ce point ?
    Pour en revenir à Benoit, je pense que c’est plus un illus­tra­teur (voire même un cinéaste frustré ;-) ) qu’un auteur de bd, même si berceuse électrique était un choc de mon adoles­cence. C’est encore plus vrai pour Floc’h qui réalise ses bd comme une succes­sion d’illus­tra­tions figées et dévita­li­sées, contrai­re­ment à Swarte et tout l’under­ground batave qui ont réussi à trans­cen­der et perpé­tuer l’héri­tage d’Hergé.

  12. c’est vrai que Spirou est à part, c’est moins un person­nage qu’un habit, voire un exercice de style… d’ailleurs sa livrée de groom montre bien qu’il est ”au service” de tel ou tel auteur :)

  13. En effet, Spirou est plus souple d’uti­li­sa­tion et surtout, il est devenu incon­tour­nable grâce à un repreneur :-)

  14. un excellent album, très bizarre de surcroît. j’en avais fait une chronique il y a longtemps (lors de la réédi­tion en collec­tion « classiques »), mais elle est si mal écrite que je n’ose en faire un lien. :)

  15. notons tout de même que ted benoit a eu des moments assez éclec­tiques au dessin, notam­ment avec histoires vraies ou bingo bongo et son combo congo­lais. dans les deux cas on peut déceler une influence certaine de swarte, ce n’est sûrement pas un hasard.

  16. Oui, il s’est montré très expéri­men­tal dans Métal. Il y a d’ailleurs des choses très intéres­santes mais rien qui m’ait marqué vraiment à l’époque. Je ne sais plus si j’ai conser­vé mon exemplaire de La peau du léopard.

    @david t : je pense que l’étran­ge­té provient aussi de l’accu­mu­la­tion de références qui ne sont pas toujours perceptibles.

  17. Berceuse électrique est un de ces livres devant lequel je reste perplexe depuis plus de 20 ans. Est-ce une réussite géniale ou une BD ratée ? Je n’arrive pas à me décider. Le dessi­na­teur a essayé de pousser le style ligne claire aux limites de ce que l’on peut en attendre et c’est louable mais, j’ai le senti­ment que le graphisme n’est pas adéquat par rapport au genre du récit. Au fond, Ted Benoit savait-il ce qu’il faisait ? Cherchait-il à obtenir cet effet d’étran­ge­té et d’irréa­lisme ? Si c’était bien le cas, on pourrait tout de même consi­dé­rer cette BD comme une réussite.

  18. @david t :

    Je me souviens très bien de cette chronique (on doit pouvoir la trouver sur bdpara­di­sio, si le site existe encore), parce que c’est à cette occasion que nous avons discu­té pour la première fois, cher David (ce devait être il y a six ou sept ans) !

  19. @Pierre : en effet, ça date… :) je me souviens aussi de discus­sions autour de la comète de carthage et trait de craie… il faudra remettre ça un de ces quatre (mais qui sait quand je repas­se­rai par paris).

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