Pourquoi Tintin, il n’ a pas sa vraie voix ?

Tout le monde connait l’his­toire du petit lecteur qui a écrit à Hergé pour se plaindre de la voix du person­nage du Tintin dans une adapta­tion pour le grand écran d’une des aventures du journa­liste à la houpette. Aujourd’­hui deux films d’ani­ma­tion au programme du blog, deux films adaptés d’une BD et d’un roman. Résul­tat des courses ? Je couine.

Corto Maltese, la cour secrète des arcanes – Pascal Morelli

corto-maltese-cour-secrete-arcanes-affiche Alors déjà, il faut comprendre que c’est tiré de l’album BD Corto Maltese en Sibérie. Je suppose que Sibérie étant une marque déposée, les produc­teurs ont choisi un titre vachti plus parlant… pour ceux qui aiment Venise.
Je résume rapide­ment. Corto est en Chine à bouqui­ner et une socié­té secrète vient lui deman­der de s’occu­per du trésor impérial russe desti­né au baron Von Ungern – dernier défen­seur du droit à knouter les moujiks. Accom­pa­gné du toujours énervé Raspou­tine, il croise moultes person­nages haut en couleurs et s’en tire avec les honneurs. C’est proba­ble­ment un des meilleurs albums de Hugo Pratt avec une histoire forte et un dessin qui s’allège sans sombrer dans l’écri­ture graphique. En faire une adapta­tion en film d’ani­ma­tion semblait une riche idée.

Pouvez vous imagi­ner une aventure de Corto Maltese sans noir profond ? Ben voilà, c’est réglé. Le dessin de Hugo Pratt, c’est quand même une élégance graphique incroyable basée sur l’oppo­si­tion du noir et du blanc. Faire une adapta­tion visuelle sans essayer de retrou­ver cette élégance, c’est quand même gonflé. Mais c’est raté. En fait, rien ne m’a plu dans ce dessin animé. Une histoire qui me semblait fluide et aventu­reuse devient un truc horri­ble­ment complexe et poussif. Non seule­ment il y a du décor mais il y a même des figurants qui se baladent avec un balai dans le fonde­ment. Les marchands de balais devaient faire fortune à l’époque parce qu’ils sont tous raides. Et la voix de Raspou­tine ! Qu’est-ce qu’ils ont fait à la voix de Raspou­tine ? Moitié hysté­rique moitié petite fille, elle fait peur cette voix ! Pour ne pas changer, les doublages m’ont donné l’étrange sensa­tion de voir les acteurs assis dans des fauteuils en cuir dans un studio à articu­ler soigneu­se­ment leurs dialogues. C’est une espèce de signa­ture des films d’ani­ma­tion français qui me rend perplexe et je n’ai toujours pas d’expli­ca­tion ration­nelle. Comme si un vieux bonhomme de la Comédie Française avait droit de vie et de mort sur le doublage des longs métrages produits dans notre beau pays. Les scènes d’action n’ont aucun intérêt – cf. la scène de bataille sur la jonque, tout en accélé­ra­tion et en commen­taires ironiques dans la BD, qui devient un combat digne des Mysté­rieuses cités d’Or, montée et filmée plate­ment. J’ai tenu jusqu’à l’arri­vée au train… Je n’en pouvais simple­ment plus.

Corto Maltese, La Cour Secrète Des Arcanes – Bande Annonce

Les Pirates ! – Peter Lord

pirates-affiche Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout est tiré de la série de roman de Gideon Defoe dont j’ai vanté les mérites ici. Un petit roman humoris­tique qui m’avait fait beaucoup rire et dès que j’ai vu que le studio Aardman Anima­tions (Wallace & Gromit) en avait fait une adapta­tion, je me suis rué dans les salles obscures. Ô rage, ô déses­poir, ô adapta­tion ennemie !
Cette année le Capitaine Pirate a décidé de se présen­ter au concours du Capitaine Pirate de l’année – comme tous les ans. Mais il est très mal barré question butin et le voilà obligé de partir à la recherche de quelques doublons pour faire bonne figure. Jusqu’à ce qu’il aborde le navire de Charles Darwin qui recon­nait dans le perro­quet du Capitaine un authen­tique dodo. Il faut le présen­ter à Londres et leur fortune sera faite ! Sauf qu’à Londres réside la reine Victo­ria, pirato­phobe renommée.
On ne peut pas dire que ce soit honteux : le travail visuel est magni­fique et donne envie d’acqué­rir le livre Making off mais, malgré Gideon lui-même au scéna­rio, le passage de l’écrit au visuel est cruel. Déjà, les aventures des Pirates sont publiées dans des collec­tions ”adultes” et pas en ”jeunesse”. Il y a une bonne raison à ça : l’humour pince sans rire, loufoque et référen­cé des livres risque de passer au dessus de la tête des chères têtes brunes. Mais le film d’ani­ma­tion est desti­né aux enfants ! Il y a un passage doulou­reux qui fait perdre beaucoup de son charme à l’uni­vers piratesque. Un exemple très simple : dans les romans, les pirates ne sont jamais décrits. On connait juste leur nom – genre Pirate à l’écharpe. Cette espèce de flou artis­tique oblige à faire des contor­sions d’ima­gi­na­tion pour imagi­ner les person­nages en situa­tion. Là, ils sont évidem­ment soigneu­se­ment visua­li­sés et on perd une grande partie du charme littéraire…
Au final, une jolie réussite visuelle où j’ai souri mais pas ri. À voir avec un accom­pa­gne­ment plus jeune peut-être. Par contre, bonne nouvelle, suite à la sortie du film, deux des livres sont enfin publiés au format poche à un prix abordable.

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8 commentaires

  1. AAAAAArrrrr­rHHHHH!!!! (cri de pirate).
    C’est presque inévi­table, en général, qu’on ressente cette frustra­tion ”mais c’est pas MON histoire que j’ai lue dans MON livre à moi!” devant une adapta­tion… je l’ai ressen­tie même devant des adapta­tions plutôt réussies (comme Coraline : c’était bien, mais c’était pas MA Coraline)…
    Dans le cas des Pirates (pas encore vu), ça paraît en effet un contre­sens complet qu’ils l’aient adapté en DA ”familial”, alors que les bouquins s’adressent si évidem­ment à un lecto­rat adulte.
    Pout Corto Maltese, vu il y a déjà longtemps, ça ne m’avait pas paru si raté que ça… évidem­ment, c’était pas du Pratt, mais on aurait pu craindre quelque chose de telle­ment plus pire (genre copro­duc­tion hispa­no-italo-albanaise avec budget de téléfilm et Terence Hill en Corto).
    Et pour faire un Raspou­tine convain­cant… Klaus Kinski n’étant pas dispo­nible, il aurait fallu mixer les voix de plusieurs acteurs, parce que je n’en vois pas beaucoup capable de rugir, de grincer et de pleur­ni­cher alter­na­ti­ve­ment comme le vrai Raspou­tine de la BD…

    • @Tororo : oui, du Klaus Kinski, c’est ça qu’il aurait fallut mettre.
      Pour ce qui est des Pirates, l’his­toire ”adaptée” ne corres­pond pas au tome que j’ai lu et donc, je n’ai pas le problème de la trahi­son. C’est juste pour les marmailles, quoi.

  2. La voix:Il lui faut une patine,un grain,un souffle,une profon­deur et un carac­tère propre à des gens de théatre.Terzieff pour Corto ç’eut été prodigieux.Les starlettes du moments;le vu à la télé,le je vais te faire la promo facile à la même télé;un courant des dernières années qui achéve­ra de m’achever…J’exprime une réflexion éculée mais qui illustre,me semble t’il,les limites de ce que devient le cinéma(français!),en général.

    • @julien : je ne pense pas que ce soit mieux aux USA :-) Le cinéma a toujours été friand des célébri­tés ”volatiles”, ça ne risque pas de changer.

      • @Li-An : Ouais enfin Richard Berry (en Corto) et Patrick Bouchi­tey (en Raspou­tine), c’est pas vraiment les starlettes de la semaine, non plus.
        A part ça, c’est bien, les livres de Gideon Defoe (disons sur une échelle Pratchett/​Douglas Adams/​Jerome K. Jerome) ? Parce que j’ai vu le film sans avoir lu les livres et ça ne m’a pas vraiment donné envie…

        • @jérôme : j’en ai lu un pour l’ins­tant et comman­dé un second mais j’avais beaucoup aimé à l’époque le premier (cf. le lien que je donne). Je ne suis pas fan de Pratchett alors c’est diffi­cile de noter :-)

  3. Moi je ne connais­sais pas les bouquins et j’ai adoré Les pirates. Evidem­ment c’est plus simple de ne pas être déçu dans ces conditions.

    • @Laurent : oui, on se contente de prendre du plaisir au film. Comme j’avais éclaté de rire en lisant le livre, j’espè­rais en faire autant et ça n’a pas fonctionné.

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