La Passe-Miroir, Livre I (Christelle Dabos – Folio)

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Je souffre d’une affec­tion assez pratique – et qui me fait passer pour un affreux élitiste rabat-joie – la « chefdœu­vri­site ». Après avoir lu un livre de genre que je trouve incom­pa­rable, tous les ouvrages du même type me paraissent fades. Par exemple, je lis très peu de polars contem­po­rains et je suis en général déçu depuis Le quatuor de LA de James Ellroy. Et Les Royaumes du Nord de Pullman me font éviter les romans jeunesse avec des jeunes filles.

La Passe-Miroir est une trilo­gie fantasy/​SF/​pas facile à caser jeunesse de Chris­telle Dabos célébrée par la critique, et son univers magique un peu steam­punk (rhâââ, je déteste ces étiquettes) m’avait inter­pel­lé. J’ai chopé le premier tome en librai­rie sur une pile pour me faire pardon­ner d’avoir parlé fort pendant une heure dans le rayon BD en disant du mal des éditeurs. Et c’est une excel­lente surprise (pas les éditeurs).

Diviser pour mieux régner

Le monde a été séparé en diffé­rents morceaux qui flottent, reliés par des dirigeables et chacun sous la tutelle d’un esprit de famille qui a parta­gé ses pouvoirs avec sa descen­dance. Ophélie, notre héroïne, est une jeune femme qui repousse les cousins qu’on lui propose en mariage pour se consa­crer corps et âme à son musée des objets de l’ancien temps. Sur l’Arche où elle vit, les habitants maîtrisent les objets inani­més (les voitures roulent sans moteur, juste par le pouvoir mental de leurs conduc­teurs) et Ophélie est une liseuse : en touchant les objets, elle ressent l’histoire des personnes qui les ont manipu­lés. Et elle peut se trans­por­ter d’un endroit à un autre en traver­sant les miroirs (d’où le titre). Sauf que son petit confort routi­nier s’effondre : les autori­tés ont décidé son mariage avec une person­na­li­té du Pôle, un person­nage effrayant, long, maigre et taiseux. La voilà catapul­tée dans un univers ultra violent où tous les coups politiques sont permis et elle va devoir se décou­vrir des ressources insoup­çon­nées pour survivre à la Cour… et au mariage.

Sexe, drogue et pas de roll

Première bonne surprise : le style de Dabos est parfai­te­ment fluide, pas de manié­risme ou de ficelle grossière. Ça se lit à toute vitesse et avec plaisir. Ses person­nages sont accen­tués façon manga (une fille rentre dedans avec un monocle noir, un Ambas­sa­deur au chapeau troué…) mais ça passe bien grâce à un univers très soigné et cohérent. Ce premier tome est surtout une décou­verte du monde où évolue Ophélie et notam­ment le Pôle qui ressemble à la cour du Roi-Soleil tendance un peu décadente où se déchirent des familles aux pouvoirs surprenants.
Ophélie elle-même fait un peu penser à la Chihi­ro de Miyaza­ki ou la Lyra de Pullman, un person­nage « normal » balan­cée dans un univers qui la dépasse, traver­sé de conflits violents qui tournent autour de son existence. Et qui se découvre un carac­tère bien trempé qui déroute aussi bien ses adver­saires que ses alliés.
Autre bonne surprise, le roman ne sombre pas dans le Mariean­toi­net­tisme (qui s’émerveille béate­ment devant les grands de ce monde suppo­sés plus beaux) et parcourt toutes les strates de la socié­té décrite sans aucun roman­tisme par rapport à la noblesse au pouvoir. Et j’ai été surpris de lire des références expli­cites à la vie sexuelle de certains person­nages et la consom­ma­tion de drogues dans un roman jeunesse (mais Games of Throne a peut-être décoin­cé les auteurs/​éditeurs).

J’ignore si le tome 2 est la hauteur puisqu’il va bien falloir dévelop­per l’histoire et je compte faire un nouveau scandale au rayon BD pour justi­fier son achat.

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6 commentaires

  1. Tu peux toujours deman­der les droits d’adap­ta­tion BD à Gallimard :)
    Je suis ce projet du coin de l’œil depuis le concours Galli­mard jeunesse, je vais bien finir par m’y mettre… J’ai toujours du mal avec le style des romans qui établissent des univers etc., ça peut vite devenir un peu lourd (ce que je repro­che­rais à Pullman, qui essaie de ne pas paumer le lecteur dans les figures de style pour le mainte­nir concen­tré sur son univers, au risque d’être un peu aride ou étouffe-chrétien).

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