Monsieur Lambert & L’ascension sociale … (Sempé – Denoël)

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Il y a une malédic­tion sur les héritières en BD. Après Mme Hergé, voilà le cas de Mlle Goscin­ny. Faut dire que j’ai enten­du son mari (oui, elle n’est plus mademoi­selle) venu défendre l’adap­ta­tion cinéma du petit Nicolas sur France Cul et je me demande comment les journa­listes font pour ne pas dire ”argent argent argent argent”. Non, en fait, vous voyez, c’est un film pour faire plaisir au million de gens qui ont acheté le recueil d’his­toires inédites. Comme c’est geeeeentiiiiil.
Monsieur Lambert est paru en 1965. Sempé décrit un petit restau­rant de quartier parisien où se réunissent les employés de bureau à midi et le monsieur Lambert en question est un jeune homme timide et modeste comme les affec­tionne Sempé. Il est juste un élément d’un puzzle qui met en scène tout un petit univers qui parle foot, politique et bureau, les dialogues des illus­tra­tions étant complé­tés par des textes très simples. Ça corres­pond à la première période de Sempé, celle que j’aime beaucoup où il parle d’une France un peu immobile des années 50/​60 telle qu’on peut la retrou­ver dans le petit Nicolas justement.
L’ascen­sion sociale de monsieur Lambert est publié dix ans plus tard et l’humour de Sempé a beaucoup évolué entre temps. Ce qui l’inté­resse c’est l’irrup­tion de la moder­ni­té dans une France qui semblait figée à tout jamais. Une grande entre­prise doit construire un parking à la place du square du restau­rant et monsieur Lambert va s’enga­ger peu à peu dans une lutte indivi­duelle pour sauver ce petit coin de Paris. À la place d’un confor­misme confor­table, le person­nage cherche sa place dans la socié­té. Son combat va cristal­li­ser des clans dans le petit restau­rant, il sera amené à croiser les diffé­rentes sphères de pouvoir tout aussi vaines les unes que les autres et la conclu­sion est parti­cu­liè­re­ment amère. Lambert va être trahi par son rêve et la nostal­gie de son combat ne le rendra pas meilleur que le monde qu’il a cru combattre. Une histoire très pessi­miste de Sempé mais passion­nante à lire. Ses dessins d’humour ne lui permette pas en général de dévelop­per ses person­nages sur le long terme (même si son travail fonctionne beaucoup sur ce que l’on devine des regrets et de la jeunesse passée) et l’idée de reprendre un même person­nage à dix ans d’inter­valle en dit beaucoup sur une France qui se voudrait moderne en défen­dant des rêves d’authen­ti­ci­té. Un discours toujours valable quand on visite les restau­rants parisiens :-)
Et non, je n’irai pas voir l’adap­ta­tion du petit Nicolas au cinéma parce qu’elle semble avoir complè­te­ment gommé un aspect impor­tant de l’œuvre : une nostal­gie souriante qui passe dans un univers un peu flou où les petits enfants sont rapide­ment croqués. Très éloigné d’une recons­ti­tu­tion lourdingue d’une France des années 50 où tout le monde est blanc et si gentil.

ça cause chez Picard

je passe à la télé

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27 commentaires

  1. Quelle virulence!Mais l’ex-mademoi­selle a tendance à possé­der quelques accents agaçants,je dois dire(quelle virulence!)dans ses propos…J’attends avec impatience(si j’suis pas mouru)le travail de…”ayant-droit”,”soucieux du respect de l’oeuvre de mon père”des héritiers LI-AN…Livre admira­ble­ment conté;ce Sempé m’aura ému sans la moindre ”ficelle”.Le seul reproche que je lui ferai c’est pas lui;v’est les autres qui ne jurent que par Sempé sans jamais s’etre penché(sur ce blog,tien,par exemple)sur d’autres grands dessinateurs;comme Beuville,oui.

  2. Pour l’adaptation;seul un Tati aurait pu,qui sait(et des bouffées de Sempé s’illus­trent chez lui),et dans ces années-là.Trop tard.

  3. D’un autre côté, si les gens veulent gagner de l’argent honnê­te­ment, je ne peux pas leur en vouloir :-). Quant à Tati, je n’ai jamais vraiment accro­ché. Je ne sais pas s’il aurait fait une bonne adaptation.

  4. S’il y a qu’un seul Tati à voir, c’est ”Mon Oncle”.

    ”Monsieur Arpel, « nouveau riche » fier de sa maison futuriste bardée de gadgets techno­lo­giques à l’uti­li­té impro­bable, veut éviter que son beau-frère, M. Hulot, person­nage rêveur et bohème, n’influence son fils. Il va essayer de lui confier un emploi dans son usine avant de l’éloigner.

    Le film oppose un monde en train d’émer­ger — où le paraître prend une place qu’on peut juger exces­sive : M. Arpel répri­mande sa femme de faire fonction­ner la fontaine de leur jardin au moment où il rentre chez lui (« ce n’est pas la peine, voyons, c’est moi ! »), et où l’on aseptise jusqu’aux tartines de pain — et le Paris tradi­tion­nel, tel qu’il existait encore au début des années 1950. Plus tard, Arpel s’indigne de ce que Hulot ait finale­ment réussi à s’assou­pir dans un canapé parti­cu­liè­re­ment incon­for­table… en le plaçant sur sa tranche!”

    Merci à Wiki…

    Moi aussi, je n’irais pas voir cette pseudo adaptation.

    De toute façon ça ne marche­ra pas , le public ne connait pas Sempé, trop de lignes à lire et surtout à comprendre.

  5. Un beau film sur ces années 50,assez pessimiste(à la Simenon),comme un roman emprunt de couleurs documentaires,d’une vie simple,de bonheurs simples,d’une sourde mélancolie;presque un portrait,sans éclat,mais sans gout complai­sant du tragique(”bon,tu le balances ton film?”):
    ”Des gens sans importance”(Avec Gabin).
    Quant au petit Nicolas,je suis certain de ses qualités(Laurent Tirard)mais je crains la caréc­té­ris­tique princi­pale des films français ces dernières années:Un scénario”retravaillé 7,9,12 fois”pour accou­cher d’un récit creux,terne et trééés polissé.(j’peux en parler,j’l’ai pas vu;‘trop peur d’etre influen­cé dans mon jugement)

  6. Incon­nu au bataillon. Je tâche­rai de voir ça le jour où ça passe­ra à la télé. Il parait que c’est Chabat qui a travaillé sur les dialogues du film, du coup on peut être un peu moins pessimiste.

  7. Ce que tu écris sur Monsieur Lambert est très beau Li-an ! Est-il néces­saire de rappe­ler ici que c’est l’éclai­ré Wolins­ki qui, le premier, a fait paraître l’Ascen­sion sociale de M. Lambert dans les pages de son journal Charlie Mensuel (Mâtin ! Quel…) avant qu’elle ne soit recueillie dans un livre chez Denoël ?

    Quant à cette adapta­tion du Petit Nicolas, cela me semble s’ins­crire tout à fait dans cette veine cinéma­to­gra­phique néo-réaction­naire qui a donné les Amélie Poulain, les Monsieur Batignole et autres Faubourg 36 sur l’air falla­cieux du ”c’était mieux avant” …

  8. Je suis quand même beaucoup moins remon­té contre Amélie Poulain que certains. Déjà, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Ensuite, c’est un scéna­rio origi­nal qui réinvente une France cinéma­to­gra­phique des années 30 comme beaucoup de réali­sa­teurs US ont pu le faire avec le polar par exemple. Je ne comprends pas que l’on puisse repro­cher à Jeunet ce que l’on admire chez les réali­sa­teurs outre manche (sans compter que je méfie toujours d’une vision critique politique du cinéma et des oeuvres d’art en général). Ça a évidem­ment amené une espèce de vague ”nostal­gique” mais c’est un courant très ancré dans le cinéma français (cf. Le grand chemin). Ça me gène beaucoup plus dans le petit Nicolas parce que ce sont des bouquins où tout le monde peut se recon­naitre s’il a vécu l’école primaire en France (ce que je n’ai pas fait, j’étais dans une école française en Allemagne) et le film explose tout ce flou. C’est évident que les années 30/​50 ne ressemblent pas à la France d’aujourd’­hui mais le petit Nicolas n’est pas une histoire sur ces années-là.

  9. Je ne sais pas si Jeunet est nostal­gique, mais Tati était visionnaire.
    C’est peut-être (à mon humble avis) ce qui fait la diffé­rence entre un gentil film comme Amélie Poulain et des Chefs d’œuvre comme PlayTime ou Mon Oncle.

  10. Personne ne m’a rien deman­dé mais ce que je reproche à certains réali­sa­teurs français, c’est juste­ment d’essayer de faire des films ”améri­cains”.
    C’est mon avis et je le partage.

  11. Et Jacques Audiard alors ? :-)

    Comme Goossens, je ne suis pas très Tati, vous pouvez donc vous esbau­dir en toute tranquillité.

  12. Amélie Poulain ”pétainiste”…C’est le genre de gentillesses lues à son propos…Réac.les Jeunet,facho.les Batignoles..?Le carac­tère procu­reur et posses­seurs du BOoon gout m’effraie bien davan​tage​.Et la notion de plaisir-évidente chez Jeunet-ne devrait jamais etre tue!..Quant au faiblard(mais mieux que certains ”…Ch’t’i!’) ”choristes”,il ne versait en rien dans la nostal­gie puante:Le brave profes­seur aux utopies musicales est viré à la fin;et la violence et l’aus­té­ri­té rude du pension­nat peut reprendre tranquillement…Quant au Batignole,il montre un français moyen,antisémite non par conviction,pire!,mais par une espèce de naturel courant de pensée.M^me pas méchant le Batignole,mais enfer­mé dans sa pensée sans en mesurer la gravité.Où est le ”c’était mieux avant” dans ces portraits,ces senti­ments tristes..?(ohlà,je m’emporte,je m’emporte et j’emmerde tout le monde-moi compris).Tiens,actuellement la mode est aux films”on vous l’avez dit,on va tous crever sous la glace(fondue)”.Epousant de nobles causes,graves,par les procé­dés les plus oppor­tu­nistes et…Ennuyeux.(j’arrete)

  13. (Et oui,trés beau billet de LI AN sur le livre de Sempé;ça m’a poussé chez le libraire.‘Souvent que ça arrive,porté par tes papiers z’inspirés.Merci.)

  14. @Julien : on peut diffi­ci­le­ment repro­cher à M.Batignole de parler de la France des années 40 :-)

    @Julien : ben j’espère que tu ne seras pas déçu (je ne peux rien rembour­ser, je suis désolé).

  15. Je suis étonné que Goossens ne ”soit pas” Tati.
    Il me semblait pourtant voir pas mal de points communs entre ces deux artistes (avec les Deschiens à mi-chemin).

    Les extraits que tu montres me font , quant à eux, penser à Brété­cher.

  16. Nous avons passé un réjouis­sant pique­nique avec Goosens à zieuter un rat affamé et une cascade voilée à dire du mal des admira­teurs de Tati :-). C’est vraiment trop ”géomé­trique” comme humour pour moi. J’ai vu Les vacances de M. Hulot sans déplai­sir mais je n’ai vraiment ri qu’une fois. J’ai le même problème avec Jacques Demy dans un genre différent.

    C’est bavard comme du Brété­cher mais c’est une espèce de bruit de fond, ça ne fonctionne pas autant sur la parole.

  17. J’arrive après la bataille :-)

    Je ne parle­rai pas de film sur le Petit Nicolas (cela en vaut-il la peine ?) mais bien de SEMPE, bon sang de bonsoir, ce dessi­na­teur culte, et l’auteur de ce chef d’oeuvre dont Li-An a bien parlé (oserai-je encore faire un billet sur cette oeuvre après cela …). Quelques remarques, pourtant.

    ”L’ascen­sion sociale” est d’abord parue dans l’Express, ou Sempé avait sa page régulière au début des années 70. Je m’en souviens bien car j’ai vécu quelques années dans une école privée religieuse où les bandes dessi­nées étaient prohi­bées. J’allais chaque semaine dans la biblio­thèque lire ce journal pour décou­vrir le dessin hebdo­ma­daire de Sempé (snif … ça ne me rajeu­nis pas). Lorsque qu’il a commen­cé l’Ascen­sion sociale, je n’ai pas appré­cié immmé­dia­te­ment, car je n’étais encore qu’un jeune blanc-bec, mais c’est finale­ment ce récit qui m’a fait décou­vrir que la BD pouvait être un art desti­né aux adultes.

    L’Express n’a jamais publié la fin de l’his­toire (il s’est arrêté aux 2/​3 environ, je me demande pourquoi) et c’est le mérite de Wolins­ki que d’avoir récupé­ré cette histoire 5 ans après, et de l’avoir publiée en entier dans Charlie Mensuel.

    L’album origi­nal se trouve de temps en temps en occaze, généra­le­ment pour pas grand-chose (les collec­tion­neurs sont parfois très bêtes). Je préfère le format de ce livre à celui de la réédi­tion actuelle.

    La fin de Monsieur Lambert est terri­fiante de réalisme, je trouve. Elle montre ce qui nous attend tous. Je commence seule­ment à le réaliser.

    En relisant aujourd’­hui cette histoire, il me vient à l’esprit qu’au fonds, les français n’ont pas telle­ment changé.

    Je m’arrête là pour l’ins­tant. Je ne vais pas écrire un billet ici, quand même. ;-)

  18. J’ima­gine que l’ori­gi­nal est plus grand ?
    Moi, je ne vais pas du tout finir comme ça, je n’ai pas assez d’argent pour ça :-)) Mais c’est vrai que la descrip­tion de la France ne fait pas si ”datée” que ça. Une plus grande violence peut-être dans le rapport au travail…

  19. L’ori­gi­nal présente un format ”à l’ita­lienne”, donc les dessins sont effec­ti­ve­ment plus grands (les bandes sont plus larges) mais le livre n’est pas volumineux.

    Il n’y a pas besoin d’avoir beaucoup d’argent pour finir comme Monsieur Lambert. Il faut simple­ment une situa­tion sociale un peu ”rangée”.

  20. Il a quand même un petit côté ”bourgeois parvenu” :-)
    Ce qui est effrayant c’est son évolu­tion physique. Chez Sempé, il y a des carac­tères physiques très marqué (le jeune homme, l’homme mûr…) et on ne fait pas toujours le lien.

  21. Bourgeois, Monsieur Lambert l’est au fond dès le départ, même lorsqu’il n’est qu’un jeune employé timide. A la fin de l’his­toire, il est en effet ”parve­nu” à ses fins. Ce n’est pas cela qui me fait peur, mais plutôt le fait que rattra­pé par l’âge, il ne lutte plus pour dépas­ser sa condition.

    Il me semble qu’avec l’âge, tout ou tard, il apparait chez l’homme une sorte de ”fatigue” qui le pousse à accep­ter les choses. C’est ainsi que Lambert finit par ressem­bler à un modèle qu’il voulait combattre. C’est au fond cela, le vieillissement.

  22. Amélie Poulain n’est certai­ne­ment pas un mauvais film mais il a initié involon­tai­re­ment tout un courant du cinéma français qui me donne la nausée. Je maintiens donc ce que j’ai écrit. Je suis pourtant un amoureux du passé, mais je reste un destes­ta­teur du passéisme.

    Allez, un extrait savou­reux de l’ascen­sion sociale de M. Lambert :

    - Mais voyons ! Pour un esprit un tant soit peu clair­voyant, 36, on s’en doutait dès 34 !

    – Même en 32 ! En 32, c’était clair comme le nez au milieu de la figure qu’il y aurait 36 !

    - De même qu’en 36 on voyait 39 gros comme une maison !

    - Et les résul­tats de 36, eh bien, on les a vu en 40 !

    - Qu’est-ce que vous racon­tez ! 40 c’est à cause de Munich, en 38 !

    - De toute façon 36 eh bien en 37 c’était terminé !

    - C’est bien pour ça qu’il y a eu 38 !

    Il faut connaître un peu son histoire de France contem­po­raine. Comprenne qui peut (c ;

  23. Je ne cherche­rai pas à te faire changer d’avis, Pierre :-) Et j’ai presque tout compris les références histo­riques de ce dialogue de Sempé :-))

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