Pour en finir avec le cinéma (Blutch – Dargaud)

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Des amis m’avaient préve­nu. ”Oulala, c’est chiant, c’est pas génial, c’est pas super…”. Bon, c’est Blutch, c’est l’His­toire de la BD en marche, on passe à la caisse, allez hop.
J’ai eu plein d’idées bizarres pour parler de cet album. Par exemple, dans une boucherie.
”Bonjour Mme Michut, je vous mets quoi aujourd’hui ?
– Qu’est-ce que vous avez M. Khaled ?
– J’ai reçu du Blutch tout frais, là.
– Ah non, pas du Blutch. La dernière fois il était tout dur, plein de singes et de petites culottes.
– Mais c’est normal pour du Blutch, Mme Michut ! Ça se travaille. Vous savez que c’est très prisé par les esthètes ?
– Je n’en ai rien à cirer de vos esthètes. En plus, je vois qu’il y a aussi des danseuses dedans. Je vais plutôt prendre une bonne bavette…”
C’est bon la bavette… Hum, bref, vous voyez la chose. C’est que c’est impos­sible à chroni­quer ce genre d’albums. Au bout d’une planche, je me suis dit ”Allez, je finis l’his­toire et je fais un billet sans lire la suite”. Parce que la première histoire, c’est une femme qui rentre dans un appar­te­ment, qui se fait choper par Blutch avec un oreiller et ce dernier la désha­bille et contemple sa petite culotte en parlant des acteurs virils des années 40/​50. Puis son ex se dispute avec lui au sujet d’une pension alimen­taire et il se rappelle de sa maman et en fait des Robin­son Suisses mais là on attaque la deuxième histoire. Je ne vais pas faire mon malin, j’ai vague­ment compris que Blutch parle dans cet album de sa passion pour le cinéma et les acteurs et surtout Burt Lancas­ter, un vrai gars bien costaud. Ou plutôt de son rapport au cinéma, de ce que ça évoque en lui, des artistes qu’il aime etc… Bon, si je réflé­chis un peu plus, on peut même dire qu’il parle du Temps et de son rapport avec le cinéma et lui-même. C’est donc un Blutch gémis­sant qui râle comme un vrai petit Godard après la jeunesse enfuie et les passions éteintes avec une danseuse qui lui donne la réplique. À la fin, Picco­li explique à quel point les vieux trams rendent les jambes des femmes jolies. Si je réflé­chis encore un peu plus, c’est une BD sur le fétichisme. Le fétichisme cinéphile et sexuel. On y parle donc aussi des cinéastes fétichistes. Et des femmes. Je sens que je deviens confus… Je recommence.

Blutch, c’est l’anti-blog BD de jeune femme. Ça ne fait pas rire, ce n’est pas léger ni mode, ça parle de mecs et de la virili­té, de la vieillesse, d’artistes oubliés ou très intelligents.

Hum, ce n’est pas mieux.

Cet album, ça ne sert à rien de le chroni­quer : des personnes vont crier au génie et ils auront raison. Combien d’auteurs poussent le medium à ce point, font des choses aussi person­nelles, aussi engagées, avec un dessin de surdoué ? D’autres vont dire qu’ils se sont fait chier grave à le lire. Et ils auront tout aussi raison : est-ce que c’est vraiment impor­tant de connaître les obses­sions d’un type pour les petites culottes ? Est-ce qu’on est obligé de se farcir des séquences cryptiques dont seul l’auteur possède toutes les clefs ? Sans compter le côté élitiste de la chose. ”Si je dis que j’aime ce truc, les filles vont croire que je suis intel­li­gent parce qu’il faut être intel­li­gent pour paner quoique ce soit à cet album”.

Fiche technique : 80 pages en noir et blanc à 20 euros chez Dargaud ? Je trouve ça plutôt bien cher. Et… qu’est-ce que c’est que cette couver­ture ? Un bout de case agran­die ? C’est un concept genre photo de tournage agran­die ou Dargaud réinvente-t-il la couver­ture ”à la Circus” ?

”- Et vous me mettrez du mou pour mon chat.
– Bien, Mme Michut.”

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25 commentaires

  1. Ah oui, j’avais oublié ça. Je vais le rajou­ter. Le jaune plus le lettrage est une espèce de clin d’oeil aux Cahiers du Cinéma et d’autres choses (j’ai vu des bouquins sur le ciné avec ce genre de fontes). J’ai un peu de mal à ratta­cher son dessin aux années 70. Il y a une volon­té de simpli­fi­ca­tion, des change­ments de styles, des cadrages qui sont très éloigné de Buzzel­li par exemple.

  2. Le prix,je ne parviens pas tout à fait à l’abstraire;passée cette anecdotique(pas tant que ça)pensée persistante,j’ai moi aussi embras­sé ce nouveau livre(Un Futuro­po­lis clef-en-main pour Dargaud?)avec un ravis­se­ment aussi fort que pour ”La volupté”;pas de surprise entre les obses­sions de l’auteur et leurs aboutis­se­ments expri­mées en un dessin toujours plus remarquable,où le jeu de couleurs(Nostalgie de bichromie)achève de séduire.Le texte,brillant,porté par une petite musique toujours plus concise,l’art de s’épan­cher en phrases définitives,mais pas en mots d’auteur.
    Le propos(amené du coup en un livre un peu court)(Pour 20 Euros,oui,bon.)en scénettes mémorables,troubles qui s’enchainent gracieusement.Un trés grand Blutch…
    Sauf,que la ”petite musique” s’affine mais ne surprend plus pareillement(Et alors?).
    Sauf que l’on aimerait voir Blutch un jour oser l’audace de se confron­ter avec l’écrit,la litté­ra­ture la plus classique.Sublimer par son dessin un grand beau scéna­rio pour-Une fois-sortir,s’évader un peu des impressions,des touches sexuées répétées,d’une atmosphère qui est sa signature,pénétrante,mais trop appuyée…Avoir le gout de Raconter,raconter…
    Enfin,je me suis surpris à consi­dé­rer ici ou là une squelette proche d’un scéna­rio de Goossens,de séquences paral­lèlles étonnantes,mais pour un résul­tat différent.
    20 Euros.
    (Merci d’avoir fait l’effort de lire ce petit point de vue!)

  3. Je trouve qu’il y a des thèmes plus marqués. Par exemple sur la vieillesse, il était diffi­cile de savoir s’il parlait avant (déjà dans Blotch et avant) de la vieillesse en général mais là, c’est expli­ci­te­ment sa vieillesse à lui qui est traitée. Merci pour ce vibrant playdoyer, Julien :-)

  4. Tiens pas un mot au sujet de son expo à la Galerie Martel ?

    (qui a la gentillesse de ne pas oublier ceux qui ne pourront s’y rendre : http://​www​.galerie​mar​tel​.com/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​l​e​s​-​e​x​p​o​s​i​t​i​o​n​s​/​g​a​l​e​r​i​e​-​m​a​r​t​e​l​-​e​x​p​o​s​i​t​i​o​n​-​b​l​u​tch

    Pour faire allusion à quelques posts de Jerry Frissen sur son blog, je trouve que la couv fait très années 70 (Charlie Mensuel plutôt que Circus il me semble), et c’est aussi un peu le problème que j’ai avec Blutch : il fait très années 70, mais sans la force d’un Buzzel­li auquel on peut penser en voyant son trait.

  5. La vieillesse,oui,c’est vrai​.La couv est une référence à un livre de Boujut,non?Un dernier truc,parce que ça n’est pas innocent:Les filles de Blutch sont vraiment belles,toujours,depuis toujours…

  6. Elles sont belles mais pas très bien traitées : objet de désir ou de haine ici.
    Je pense en effet qu’il y a une référence à un bouquin.

  7. Le titre déjà,non?C’est bien celui d’une collection..?Si le grand Blutch pouvait étreindre ”LA CHUTE” de Camus..!

  8. Tout va bien!Mardi prochain l’HUMEUR VAGABONDE de France Inter accueille BLUTCH qui nous dira donc tout.(Et un suspence:Est-ce que Sfar sera en guest..?)

  9. Pour le titre, à mon avis c’est pour se placer à mi-chemin entre ”pour en finir avec le jugement de Dieu” d’Anto­nin Artaud et ”pour en finir une bonne fois pour toute avec la culture” de Woody Allen… hum…

  10. Voilà des années que je n’étais plus passé ici (bonjour la compa­gnie !), mainte­nant que j’ai à nouveau une connexion chez moi je me dis ”tiens, que devient donc le seul blog que je prenais la peine de lire dans le temps ? Existe-t-il encore ?” et je tombe là-dessus ! Merci li-an pour ce bon moment (et du coup, je vais l’ache­ter demain ce bon sang de Blutch que je me faisais tirer l’oreille pour le lire).

    • @Pierre : Des années ? Mazette, je ne m’en suis même pas rendu compte. Bienve­nu à nouveau au pays où le piratage est roi et la porno­gra­phie son prophète…

  11. Hm programme alléchant. Comment ai-je pu vivre si longtemps sans ça ? Je n’ai pas fini le Blutch mais j’ai été ravi d’y trouver un hommage à Peter Arno, dessi­na­teur décou­vert par hasard aux puces de Saint-Ouen (et en compa­gnie d’un certain Arnaud, ça ne s’invente pas) dans un pocket book édité pour l’armée améri­caine. Son graphisme m’a immédia­te­ment fait songer non pas à Blutch, mais à Blotch (en mieux)! Mainte­nant je sais que la filia­tion n’était pas accidentelle.

    • @Pierre : Peter Arno est connu aux States pour ses couver­tures du New Yorker notam­ment. Je n’avais pas pensé à une filia­tion possible avec Blutch de ce genre de travail.

    • @Pierre : après plus de quinze ans d’Inter­net, je ne crois pas à l’exis­tence d’une chose appelée ”débat sur un forum”. J’aime bien cette couver­ture nouvelle – la précé­dente me laissait perplexe. Après, il ne faut pas être étonné d’être choqué, je crois que Blutch s’oriente vers un travail polémique – ce qui est incom­pa­tible avec le concept de Web démocratique.

      • @Li-An :

        Ah ! Je suis pris en flagrant délit d’auto­cen­sure : j’avais d’abord écrit ”petite polémique” (ce qui n’était pas mieux) et j’ai préfé­ré l’approxi­ma­tion neutre. Quant à moi, douze années de fréquen­ta­tion erratique de la toile, ne m’ont pas guéries de mon accou­tu­mance aux forums de discus­sion (où il y a parfois de vrais échanges passion­nants ‑si si). Nonobs­tant, je trouvais intéres­sant de faire part de ces ”réactions” auxquelles je ne m’atten­dais pas.

        • @Pierre : de toute manière, la création person­nelle va se retrou­ver en conflit frontal avec les défenses minori­taires. Si tu es un mec avec des problèmes relation­nels, tu vas obliga­toi­re­ment choquer les femmes, etc etc… Quand on voit la violence de certains discours artis­tiques des années 70, on peut trouver que la plupart des albums d’aujourd’­hui sont un peu nivelés par le politi­que­ment correct.

    • L’objet, c’est le truc qu’il faut vendre. Quitte à le vendre plusieurs fois. En tous les cas, la théma­tique est intéres­sante – on parle trop peu de BD dans les BD.

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