La Tour de Babylone (Ted Chiang – Denoël)


Ted Chiang est infor­ma­ti­cien et pond acces­soi­re­ment des nouvelles SF qui se récoltent des brassées de prix.
Autant la nouvelle qui donne le titre au recueil m’a semblé gentillette, autant les dernières méritent absolu­ment le détour. Chiang fait une SF assez parti­cu­lière : en général, l’écri­vain SF part d’une idée, d’un concept, d’un univers qui peut espérer une certaine dose de proba­bi­li­té ou du moins que la logique ne peut pas prendre en défaut. Les uchro­nies sont un peu parti­cu­lières puisqu’on imagine un change­ment du cours de l’Histoire.
Chiang propose des univers uchro­ni­que­ment scien­ti­fiques : dans ”Division par zéro” une mathé­ma­ti­cienne de génie démontre que les mathé­ma­tiques ne sont pas logiques (ce que Chiang trouve très triste :-)), dans ”Soixante douze lettres” il imagine un univers où la révolu­tion indus­trielle est portée par l’uti­li­sa­tion de golems (et la repro­duc­tion suit des logiques préDar­wi­niennes) et ”L’Enfer quand Dieu n’est pas présent” présente un monde où les inter­ven­tions divines sous forme de visita­tion sont monnaie courante. Une autre force de ces nouvelles, c’est le refus de tirer une morale de l’his­toire. Dans ”Soixante douze lettres”, les consé­quences sociales autant que politiques des progrès golemesques sont au cœur du problème. Dans ”Aimer ce que l’on voit : un documen­taire” qui imagine la possi­bi­li­té de maîtri­ser la percep­tion de la quali­té d’un visage humain (imagi­nez que vous soyez incapable de dire si Monica Bellu­chi est belle pour pouvoir vous concen­trer sur ses quali­tés humaines) et réflé­chit sur toute les impli­ca­tions morales et philo­so­phiques possibles du problème sans prendre parti.
C’est d’ailleurs le premier texte de SF que je connaisse qui s’inté­resse à un problème de socié­té peu abordé : la présence obses­sion­nelle de la repré­sen­ta­tion de la beauté dans un monde bouffé par la commu­ni­ca­tion et la publi­ci­té. Le cerveau de l’homme est-il vraiment conçu pour résis­ter à ce gavage ininter­rom­pu ? Je ramasse les copies dans deux heures…

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9 commentaires

  1. Oué, très bon cet ensemble de nouvelles. Bonne derni­rèe remarque. J’aime comme iol s’attaque à un thème, un concept et le pousse à bout, dans ses retran­che­ments, voire son absur­di­té. tout est très bien construit. C’est vraiment une oeuvre intel­li­gente et prenante. J’a bien aimé en plus de celles évoquées, la nouvelle à la 1ere personne je crois ou l’on essaie de commu­ni­quer avec des extra­ter­restres en même temps qu’une hisotire plus person­nelle se développe, entrelacée.

    Syl 

  2. Je ne trouve pas cette chronique si pauvre que ça. En tout cas, ce que tu en dis me donne envie de lire la suite, vu que je me suis conten­té de la nouvelle dont va être tiré le prochain film de Denis Villeneuve.

    A.C.

  3. J’ai mis 10 ans de ma putain de vie à lire ce recueil de nouvelles, et dans cet inter­valle, il en a écrit un autre.
    Tout est à recommencer.

    • Oui, il faut que je le trouve pas cher d’ailleurs. Tu as donc encore au moins dix ans d’espérance de vie.

  4. Je miserais pas 3 dollars là-dessus. Je vais essayer de le lire plus vite que le précé­dent ; de toute façon, si c’est pour me retrou­ver avec Michel Fourni­ret dans cet endroit ”où dieu n’est pas présent”, pour paraphra­ser une nouvelle théolo­gi­co-sarcas­tique du premier recueil, merci bien.

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