À deux pas du néant (Tim Powers – Denoël)

Je crois bien avoir lu tous les romans traduits en français de Tim Powers depuis son grand classique ”Les voies d’Anu­bis” qui voyait un pauvre univer­si­taire remon­ter le temps jusqu’au XIX° siècle pour se voir confron­té à des puissances magiques et un poète adoré bien fuyant. Un roman picaresque qui donnait une vision pas gnangnan de l’époque et qui m’avait enthou­sias­mé… Je l’avais donc suivi avec des pirates (et de la magie), des ET envahis­sants, les joueurs de poker bourrés et télépathes, Shelley et Byron jusqu’à son précé­dent opus, ”Les puissances de l’invi­sible” qui voyait le mélange explo­sif du roman d’espion­nage soigneu­semnt documen­té à la John Le Carré mixé avec le fantas­tique le plus débri­dé où la vie de quelques person­nages célèbres est soigneu­se­ment dépiau­tée pour justi­fier des délires magiques étonnants.
Avec ce dernier opus, Powers reprend la même veine : le Mossad affronte une bande d’obsé­dés du pouvoir que pourrait leur procu­rer une machine temporelle…imaginée par Einstein et utili­sée par Charlie Chaplin. Vous dites ”pouce” et je vous comprends un peu. Ça part très vite dans plein de direc­tions avec plein de références que seul un lecteur assidu de Powers pourra appré­cier ( la magie/​parapsychologie dans ses oeuvres suit des codes très précis qu’il répète à chaque fois. La terre est par exemple à éviter pour les esprits, les person­nages se bourrent la gueule pour échap­per aux posses­sions ou contac­ter les fantômes, la fumée de cigarette peut servir de protec­tion etc…). Daphné, 12 ans et Frank son père sont reliés par une forme de télépa­thie et la mort de la grand-mère va attirer l’atten­tion de multiples réseaux et services secrets (mamie s’est télépor­tée au milieur d’une foule de hippies en pleine médita­tion grâce à un svasti­ka en or). Comme d’habi­tude chez Powers, les person­nages sont des gens normaux confron­tés à des puissances qui les dépassent complè­te­ment. Ils se bagarrent comme ils peuvent, prennent et reçoivent des coups avec un zest d’humour et de déses­poir et le final est grandiose.
Le voyage dans le temps est la théma­tique princi­pale du bouquin et les paradoxes tempo­rels sont complè­te­ment revisi­tés de manière très efficace. Les fans de Lynch y trouve­ront des échos (peut-on modifier le temps pour sauver ceux que l’on aime ou soi même, quel est le prix à payer, etc…). Powers travaille le fantas­tique en partant des sources : l’étrange et le surna­tu­rel sont comme des projec­tions des angoisses, névroses, rêves et fantasmes des humains, une concré­ti­sa­tion de leur incons­cient dûe à leurs faiblesses et leurs petites lâche­tés indivi­duelles. L’abus de l’alcool et du tabac récur­rent dans ses romans et qui se justi­fie à poste­rio­ri est très troublant. J’ai toujours pensé qu’il était alcoo­lique et qu’il proje­tait ses angoisses dans ses person­nages (je n’ai jamais eu de confir­ma­tion) mais ici le ”héros” fait très atten­tion à ne pas abuser :-). Un roman que je conseille­rai plutôt aux habitués de Powers vu la densi­té d’infor­ma­tions qui dégrin­golent sur le pauvre lecteur. Les autres pourront peut-être commen­cer par des choses un peu moins débridées…

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7 commentaires

  1. ”une stavis­ka en or …” ?
    Le svasti­ka (parfois appelé par abus de langage la svasti­ka au lieu de la croix en forme de svastika).
    Comme tu le dis très juste­ment, pour fan averti de Powers.
    Pour celui qui débute commen­cer par ”Les puissances de l’invi­sible” d’abord.
    Inter­view sur ce roman ici :
    jimmya​kin​.typepad​.com/​def…
    (english requi­red) ;o)

  2. Merci de me corri­ger, Doc (on ne peut pas dire que je sois allé vérifier l’ortho­graphe du truc). Ah, toi tu commen­ce­rais par ”les Puissances ” ? Ah, tu veux dire qu’il vaut mieux lire les ”Puissances” avant celui-là. Tout à fait d’accord. 

  3. De toute manière, je n’ai jamais accro­ché à Blayblock et n’ai jamais compris pourquoi on le mettait dans le même sac que Powers. 

  4. oui, la rareté n’est pas forcé­ment un mal, même si j’aime­rai bien en lire un nouveau j’avoue, mainte­nant que j’ai fait le tour de ses romans. 
    On les mets dans le même sac certai­ne­ment parce qu’ils sont amis, qu’ils se partagent la création du poète William Ashbless, et que certains de leurs romans sont quand même très proches. J’aime beaucoup Powers mais lui préfère infini­ment Blaylock, ce dernier à un goût très pronon­cé pour les choses intimes, une simpli­ci­té dans sa vision de la vie qu’on retrouve très nette­ment dans la trilo­gie de l’Oriel. J’aime un auteur qui écrit sur l’amour du fromage et du café ^^

  5. On associe Blaylock et Powers parce­qu’ils ont crée le courant steam­punk avec K.W. Jeter, outre le fait d’être tous trois condis­ciples de fac. 
    Powers est égale­ment profes­seur à temps partiel à l’école d’arts du conté d’Orange, Califor­nie, où son ami Blaylock est direc­teur du dépar­te­ment d’écri­ture créative. (dixit Wiki ;o)
    Des trois, Powers est le meilleur.

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